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Les critiques de Bifrost

L'Empire du léopard

L'Empire du léopard

Emmanuel CHASTELLIÈRE
CRITIC
656pp - 25,00 €

Bifrost n° 91

Critique parue en juillet 2018 dans Bifrost n° 91

Le royaume du Coronado a presque achevé la conquête de la Lune-d’Or. Les combats ont été violents et les récompenses attendues ne sont pas au rendez-vous : la terre est pauvre, les filons aurifères annoncés manquent à l’appel. Les anciennes ambitions tournent à l’aigreur, d’autant que les renforts annoncés n’arrivent pas. Or ils sont nécessaires pour espérer soumettre l’empire du Léopard qui, caché derrière une chaine de montagnes, règne, à en croire la légende, sur un territoire à la terre aussi noire que riche et aux mines fécondes.

Cérès est colonel dans l’armée du Coronado. Envoyée ici pour une faute commise à la cour du Roi, désabusée, elle ne rêve ni de gloire ni de folles richesses. Elle obéit aux ordres du vice-roi et tente de l’aider au mieux dans la conduite de cette colonie. Car la Salamandre, c’est son surnom, ne veut pas laisser le chaos régner. Elle mène ses troupes avec rigueur et sens de la justice. Contre l’usure du temps, contre les désillusions, contre les ambitions de certains colons fortunés. Mais un danger plus grand menace, dans l’ombre, et Cerès devra user de toutes ses qualités, toutes ses ressources, pour protéger ses hommes…

Mesdames et messieurs les éditeurs de chez Critic (et d’ailleurs), rendez service à vos auteurs : aidez-les à couper dans leurs romans quand ils n’y parviennent pas eux-mêmes ! Merci pour eux, merci pour nous. Leurs œuvres gagneront en fluidité aussi bien qu’en efficacité, et tout le monde sera content.

Car Emmanuel Chastellière a une imagination certaine… et un sens du détail extraordinaire. Pour L’Empire du Léopard, il a construit un univers précis, aux influences multiples (Amérique du Sud, Moyen-Orient, etc.) et bien maitrisées. Ses personnages sont détaillés au possible : on imagine volontiers qu’ils ont acquis une substance, une véritable vie pour l’auteur. Tout cela représente une somme remarquable. On sent la passion du créateur. Mais il aurait fallu se faire violence et n’en garder que l’essentiel. Or Chastellière, voulant tout montrer, tout faire connaître de chacun de ses protagonistes (et ils sont nombreux !), tarde à réellement démarrer son récit : deux cents pages pour enfin lancer l’action, cent de trop, au bas mot ! D’autant qu’à force de précisions, certains personnages échouent à acquérir cette étincelle de vie nécessaire à l’adhésion du lecteur — un comble. Et frustrant, qui plus est, car une fois passé l’écueil (énorme) de cette interminable entrée en matière, l’action s’enclenche avec vigueur jusqu’à un final haletant, grandiose, qui prouve combien il était bon de passer outre et de s’accrocher. Mais quelle suée !

Le gunpowder fantasy (comme disent les maîtres geeks) est un sous genre peu prisé des auteurs francophones. Avec L’Empire du Léopard, troisième roman d’Emmanuel Chastellière (par ailleurs traducteur et cofondateur du site Elbakin.net), ce dernier pourrait bien nous le faire regretter… si d’aventure il voulait bien se résoudre à sévèrement dégraisser sa prose.

Raphaël GAUDIN

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