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Les critiques de Bifrost

L'enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils, et à peaux

L'enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils, et à peaux

Jean-Luc André D'ASCIANO
AUX FORGES DE VULCAIN
192pp - 20,00 €

Bifrost n° 115

Critique parue en juillet 2024 dans Bifrost n° 115

Avec son titre à rallonge, L’Enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils, et à peaux ne rentre pas dans les cases. Bien au contraire, Jean-Luc A. d’Asciano pratique le détour, divaguant d’une prose vagabonde entre l’imaginaire de l’enfance, les motifs du conte et du fantastique. Collection apparemment foutraque d’histoires flirtant avec la fantasmagorie et l’absurde, l’ouvrage est plus proche d’un cirque ambulant que de l’arche de Noé. Et pourtant, on embarque dès la première page pour un voyage en Ami 8, accompagnant une famille dysfonctionnelle et attachante, de poils, plumes et peaux, vers une destination italienne lointaine. Chemin faisant, on fait escale auprès de frères siamois dont le récit préfigure celui de Souviens-toi des monstres (critique in Bifrost n° 95). On suit également le récit d’une expédition vers des terres oniriques peuplées de symboles, accompagnant un homme et son chien, avant de flirter avec la fin du monde. Les dix textes de L’Enfant chamane… dressent ainsi le portrait truculent d’un monde que n’aurait pas renié Peter Pan, dessinant plusieurs arcs narratifs reliés par un jeu de correspondances subtiles. Jean-Luc A. d’Asciano convoque les souvenirs de départ en vacances, l’atmosphère surpeuplée de l’habitacle d’une voiture où sont confinés parents, enfants et animaux, improvisant une cohabitation forcée, le temps d’atteindre la destination du voyage, mais aussi les aléas mécaniques, les pauses improvisées en des lieux improbables, les chemins de traverse ouverts sur l’inconnu. Il évoque aussi des sujets plus graves, usant du prisme de l’enfance pour les aborder. La difformité, la marginalité, la maladie, la folie et la mort prennent ainsi l’apparence du conte, du récit picaresque ou du rêve éveillé, rappelant la manière de David B. lorsqu’il évoque son enfance et la maladie de son frère dans l’album L’Ascension du Haut Mal (L’Association).

Des différents textes qui composent ce recueil ne ressortent que peu d’inédits. Parus sous une autre incarnation ou avec un autre titre, de manière plus ou moins confidentielle, ils dessinent un continuum narratif mêlant fiction et réalité dans lequel Jean-Luc A. d’Asciano a déjà puisé la matière d’un premier monstrueux roman, manifestant en fin d’ouvrage, dans une courte note, l’intention de tirer un récit plus long de la dernière nouvelle. En attendant la réalisation de ce projet, on ne peut que succomber à l’étrangeté attachante de L’Enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils, et à peaux.

Laurent LELEU

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