J.-H. ROSNY
BNF ÉDITIONS
12,50 €
Critique parue en avril 2018 dans Bifrost n° 90
[Critique commune à L’Énigme de Givreuse, Un chalet dans les airs et La Grande Panne.]
Les Orpailleurs est le nom de la nouvelle collection de la Bibliothèque Nationale de France… attendez : la BnF éditeur ? Bizarre, non ? Habituellement, la BnF reçoit les livres, ça n’est pas elle qui les édite. Bon, on sait qu’elle publie régulièrement des titres, mais on imaginait plus des catalogues d’expositions ou des monographies… Toutefois, dans les entrailles de la BnF dorment des dizaines de milliers de livres, la plupart épuisés depuis belle lurette, aussi apparaît-il finalement comme une évidence (rappelez-vous l’adage « on n’est jamais si bien servi que par soi-même ») qu’elle cherche à faire connaître ces ouvrages au public. « Les Orpailleurs » est donc une collection à vocation patrimoniale ; avant sa création, la question s’est posée de savoir dans quel genre littéraire la BnF allait s’investir, et le choix s’est porté sur la science-fiction au détriment du polar, dont le marché est déjà notablement saturé.
La maquette est sobre et élégante, la présentation soignée bien que le corps de la police choisie soit un poil petit. Chaque texte bénéficie d’une introduction érudite de Roger Musnik, longtemps conservateur au rayon SF de la BnF, aujourd’hui à la retraite – c’est lui qui organisait des conférences très instructives pour faire découvrir le fonds du rayon.
La première livraison de livres, pour le lancement de la collection, s’appuie sur trois valeurs sûres : J.-H. Rosny aîné, Albert Robida et Théo Varlet. Ces romans, très différents, donnent à voir une jolie palette de ce qu’est la SF ancienne, du temps où l’on parlait encore d’anticipation.
L’Énigme de Givreuse n’est pas le texte le plus connu de Rosny aîné (La Mort de la terre, La Guerre du Feu, « Les Xipéhuz ») mais n’en vaut pas moins le détour. En 1914, sur un champ de bataille, on découvre deux hommes encore vivants ; leur particularité est… qu’ils sont identiques ! Examens médicaux et interrogations des deux séparément ne permettront pas de les distinguer : on a l’impression qu’il s’agit de la même personne. Difficile donc de savoir comment gérer l’homme surnuméraire – ni même de déterminer lequel des deux est surnuméraire –, d’autant plus que Pierre Givreuse, avant de partir à la guerre, avait une petite copine… Ce roman de SF (il faut attendre la fin du livre pour en avoir l’assurance) s’intéresse davantage aux conséquences humaines qu’aux causes de cette situation : comment les deux Givreuse vont trouver leur place dans la société, et comment leur entourage va également absorber le choc. Le roman est complété par une nouvelle, « La Haine surnaturelle », qui répond à ses thématiques.
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On le voit, cette première livraison est éclectique, mais s’il y a bien un dénominateur commun, c’est la qualité des textes, la minutie de leur choix et de leur présentation. La collection « Les Orpailleurs » est de fait bien lancée, et l’on guettera à coup sûr les prochaines parutions – on annonce un nouveau Rosny aîné et un André Couvreur dans les mois qui viennent.