Julian May bien que n'appartenant pas à une quelconque nouvelle génération d'écrivains anglo-saxons, est peu connue sous nos longitudes. À l'instar de ses consoeurs Anne Mc Caffrey et Marion Zimmer Bradley, elle produit des récits d'aventures relativement bien menés. En France, on a pu lire d'elle Les Trois amazones, une fantasy écrite en collaboration avec Zimmer Bradley et André Norton – tâcheronne de la même génération et encore moins connue qu'elle de ce côté de l'océan –, ainsi que les trois tomes disponibles chez J'ai Lu de La Saga des exilés (critiquée en ces pages dans un précédent Bifrost), dont les deux premiers avaient connu une précédente édition chez Temps Futurs en 1982.
Ici, c'est de space opera pur jus qu'il s'agit. De facture on ne saurait plus classique. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'on ne se prend pas le chou avec ce bouquin. Pour avoir une idée raisonnable de la mixture, prenez la trilogie des Conquérants de Timothy Zahn dans la même collection, ajoutez y du Pierre Barbet couleur David Maine à bonne dose, l'Anarchaos de Donald Westlake le polardeux (PdF, Denoël) et de l'ADN recombinant pour faire la mesure. L'Éperon de Persée devrait sortir du shaker si vous avez pris soin d'adjoindre une fragrance de Carl Hiaasen pour la note de tête. L'éditeur ne s'y est d'ailleurs pas trompé en rédigeant la quatrième de couverture comme s'il s'était agit là d'un polar floridien. Juste, au début, l'odeur de Carl Hiaasen… Pas le talent !
Il y a quand même un fils de ponte qui picole comme un trou, pilote un sous-marin jaune pour touristes et se retrouve à roussir à cheval sur une comète, un père avec un Stetson et un crapaud de mer qui bouffe une baraque. Celle de notre héros, d'ailleurs, qui a hérité à la traduction du nom aussi charmant qu'improbable de Helmut Glaçon (Icicie). Il est un flic financier déchu et le fils de Simon Glace (Frost) — autre coup de génie de la traductrice — , PdG de Rempart, petite firme multimondiale en butte aux manoeuvres de Gala-pharma en vue d'une OPA agressive aux fins des plus craignos.
En 2229, le monde ressemble à celui de 1999 comme deux gouttes d'eau bien qu'il y ait des astronefs… Le pouvoir politique central est de plus en plus battu en brèche par celui des firmes géantes qui considèrent la diplomatie comme étant de leur ressort, et qu'entre leurs mains elle ne favorisera que mieux les affaires et maximisera les bénéfices. Vous pouvez même louer une Jaguar (groupe Ford aujourd'hui), car la marque existe toujours… même si le charme british a cédé au kitsch psychédélique des Cadillac californiennes.
De telles réminiscences donnent à penser que la trame de ce roman a hésité jusqu'au dernier moment entre devenir un polar contemporain ou un space opera. On a l'impression d'une adaptation à la va-vite sans qu'il y ait cependant lieu de s'en plaindre. C'est un roman d'aventures spatiales, vif et alerte, comme il y en a treize à la douzaine mais meilleur que beaucoup… Du divertissement kilométrique comme il en faut, plutôt bon dans sa catégorie. On conseillera cependant d'attendre la réédition en poche ; malgré le confort de lecture dû au grand format, 139 FF c'est trop cher pour du tout-venant. Un bon moment et puis basta. C'est plaisant, certes, mais on en a pas vraiment pour son argent. Rapport qualité/prix insuffisant.