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Les critiques de Bifrost

L'Épouse de bois

Terri WINDLING
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
320pp - 26,00 €

Critique parue en juillet 2010 dans Bifrost n° 59

Quasi-inconnue en France, Terri Windling est l’une des figures majeures de la fantasy aux Etats-Unis. Sa bibliographie, outre L’Epouse de bois, ne compte qu’une poignée de nouvelles et d’œuvres pour la jeunesse, mais l’auteure a occupé depuis les années 80 une place prépondérante dans le milieu de l’édition. Directrice de collection, anthologiste, essayiste, elle a contribué de façon considérable à l’évolution du genre, au renouvellement de ses thèmes comme de ses auteurs, parmi lesquels Caroline Stevermer, Steven Brust ou Charles de Lint qu’elle a révélés.

L’Epouse de bois est un voyage envoûtant à la découverte d’un monde autre qui va progressivement s’infiltrer dans le réel. L’histoire est celle de Maggie Black, poétesse et universitaire. Une jeune femme constamment en mouvement, sans attaches fixes hormis un ex-mari bienveillant mais tellement présent dans sa vie qu’il en devient envahissant. Durant des années, Maggie a entretenu une correspondance avec Davis Cooper, poète génial récompensé autrefois du prix Pulitzer, qui a sombré dans l’alcool après la disparition de sa compagne. Lorsque celui-ci meurt dans des circonstances étranges, noyé en plein milieu du désert, elle apprend avec surprise qu’il lui a légué l’ensemble de ses possessions. Espérant découvrir la vérité sur cet homme qu’elle n’a jamais rencontré et dont la vie recèle de nombreuses zones d’ombre, Maggie fait ses valises et part illico pour l’Arizona.

Dans les pas de l’héroïne, on découvre progressivement le monde dans lequel a vécu Davis Cooper. Un monde aux antipodes de celui de Los Angeles, en apparence hostile et austère, mais qui va progressivement révéler une richesse inattendue. A travers les écrits du poète, les peintures de sa compagne et ses rencontres avec les rares habitants de la région, Maggie va petit à petit comprendre ce qui les a retenus dans un tel endroit et changer sa vision de ce qui l’entoure.

L’apparition du surnaturel se fait de manière progressive et naturelle. Elle a tout d’abord lieu dans les marges du récit, avant d’en gagner lentement le cœur. Et lorsqu’enfin Maggie reçoit chez elle la visite d’une créature mi-enfant, mi-animal, elle est déjà tellement imprégnée de l’atmosphère onirique qui baigne désormais son univers qu’elle ne peut que l’accueillir les bras grands ouverts.

Terry Windling a imaginé un bestiaire assez fascinant, inspiré à la fois du folklore du sud des Etats-Unis et des peintures de Brian Froud, artiste anglais dont le tableau « Red-lead mask woman » est reproduit en couverture du roman. A la fois totalement étrangères au monde des humains et profondément liées aux terres où elles évoluent, ces créatures nous apparaissent, sous la plume de la romancière, incompréhensibles et pourtant proches, touchantes.

Et puis L’Epouse de bois doit aussi beaucoup de son intérêt au portrait que fait Terry Windling de son personnage principal. Maggie Black est de ces héroïnes qu’on quitte à regret, tant la romancière a su lui donner vie et nous la rendre proche. Une justesse et un sens du détail que l’on retrouve également dans la description des autres protagonistes, tous parfaitement campés et ne se limitant pas au rôle que l’histoire leur donne à jouer.

Par l’originalité de son cadre, par la beauté étrange de sa magie, par l’élégance de son écriture, L’Epouse de bois constitue l’un des plus beaux romans de fantasy paru en France ces dernières années. A lire impérativement.

Philippe BOULIER

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