Denis DUCLOS
RIVAGES
300pp - 19,06 €
Critique parue en février 2000 dans Bifrost n° 17
Après Longwor, l'archipel-monde, voici le deuxième tome de la saga de Denis Duclos. Dans le premier volume, on découvrait Longwor, un archipel de sept îles, voire de treize (« C'est le nombre de lunaisons. Ou celui des menstruations féminines. ») dans les Antilles, protégé de l'Outremonde (le nôtre) par un fort courant marin, le Grand Dragon, d'origine peut-être surnaturelle.
L'épreuve des îles poursuit le récit du périple d'Augustin Coriac, un aventurier français venu là dans les années 1880 pour trouver, semble-t-il, un passage vers un autre temps. Il va se trouver mêlé au jeu politique des îles, un jeu à tous les sens du terme, puisque le sommet de la hiérarchie locale est désigné par une série d'épreuves, les unes sportives, les autres plus mystiques. Il va aussi se trouver mêlé au jeu de l'amour, avec la belle Athiello, et à celui du hasard…
On retrouve ici toute la verve du premier roman, peut-être plus éclatante encore : l'invention langagière est incessante (chevirelles, musilets, crocosophes, pétacles et monucles, glône, choulcave, salge, etc.), le dialogue gouleyant. Et les descriptions, souvent « gratuites », chargées de poésie, et les énigmes complexes résolues par les personnages, et les courts poèmes ici ou là, tout, tout dans ce roman n'est qu'un prétexte à faire chanter la langue et s'exalter les sens.
Prétexte, certes, mais l'intérêt est aussi ailleurs : dans la critique sous-jacente d'une machination socio-économique qui consiste à appauvrir les pauvres au profit des riches et des puissants. Toute ressemblance… Ou dans la métaphore du jeu des partis, alliances, trahisons et non-dits. Là encore, ce n'est bien sûr qu'un conte, et toute ressemblance…
Quelque part entre Voltaire et Vance, Cendrars et Pratchett, Denis Duclos poursuit son bonhomme de chemin, créant une des œuvres les plus attachantes, les plus originales, les plus intelligentes et les plus accessibles à la fois de toute la fantasy mondiale.
Enivrez-vous de ses capiteux parfums ; on en revient l'esprit plus alerte, plus instruit et plus ludique. Est-ce si fréquent ?