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Les critiques de Bifrost

L'Ère des phalanstères

Gil BRALTARD
CÉLÉPHAÏS
260pp - 12,00 €

Critique parue en avril 2012 dans Bifrost n° 66

Le pseudonyme de l’auteur renvoie à une nouvelle humoristique de Jules Vernes, dans laquelle un dément du nom de Gil Braltar rêve de reprendre aux anglais le rocher de Gibraltar. Dans L’Ere des Phalanstères, on est au milieu du XXIIe siècle. Du côté de Sumbawa, en Indonésie, Mikhail a la belle vie dans sa résidence, entouré de robots et d’IA. Son quotidien consiste à surfer, faire la fête et voir ses amis de par le monde. Jusqu’au jour où, découvrant une anomalie géographique dans le désert du Sahara, il décide d’en savoir plus. Ailleurs, dans le phalanstère Primevère7, la jeune Inako se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond. Comme tous les habitants du phalanstère, elle a Peur de l’extérieur — un dégoût viscéral des grands espaces, inculqué par une puce cérébrale. Peu à peu, Mikhail et Inako vont réaliser qu’on leur a caché la vérité, une vérité qu’ils vont s’efforcer de découvrir. Et c’est vraiment pas jojo. Imaginez : cent ans plus tôt, alors que l’état de la planète était de plus en plus catastrophique, une bande de trois cent soixante nantis (comme par hasard, les magnats de l’industrie et les élites gouvernantes) a décidé de faire table rase, avec une solution des plus radicales : enfermer les sept milliards de pauvres dans des phalanstères souterrains, et laisser une Terre en jachère aux deux milliards de riches. Comme par hasard, les prêtres qui dirigent les phalanstères sont également ceux qui président le monde libre. Naturellement, Mikhail et Inako vont participer, mais d’assez loin, à la mise à bas de cet ordre inique, aidés par un pingouin virtuel nommé Tox et un robot programmé pour parler en vers.

Arrivé à ce stade, le lecteur est en droit de se sentir consterné. Heureusement, il n’a plus à souffrir longtemps, car le roman touche à sa fin. Dans L’Ere des Phalanstères, la satire est bien loin et on se situe davantage du côté de la charge grossière. Contre qui ? Le capitalisme, le libéralisme, tous ces individus foncièrement méchants à la tête des gouvernements ou des grosses entreprises qui complotent contre le reste de la pauvre population. Une charge dépourvue de subtilité, avec une histoire sans horizon d’attente et peuplée de personnages désincarnés. Toute ressemblance avec des individus réels… Si l’on a droit à Rahan et Alix en hôtes de réalités virtuelles, on dissimule le magnat de l’informatique sous le nom transparent de William Doors — ah, pardon, c’est son petit-fils. Ne manquerait plus que Steve Works… Dans le ridicule, mention spéciale à la mascotte de Linux, renommée ici Tox, et qui n’avait pas besoin de ça.

Si le « Gil Braltar » de Jules Vernes ne brille pas non plus par sa subtilité, au moins a-t-il le mérite de la brièveté et de l’humour. Ici, Gil Braltard nous a pondu un roman aussi moralisateur qu’ennuyeux, bourré de bonnes intentions et qui ne cesse d’enfoncer des portes ouvertes. A éviter.

Erwann PERCHOC

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