Guillermo ARRIAGA
SEUIL
169pp - 6,60 €
Critique parue en octobre 2004 dans Bifrost n° 36
Nous sommes en 1914 au Mexique. Le président-dictateur Porfirio Diaz a été renversé en 1911 et divers groupes révolutionnaires tentent de s’emparer du pays ; il y a celui de Francisco Villa dit « Pancho Villa » (aussi surnommé le Centaure du Nord), celui du Général Zapata, celui de Carranza. Dans ce chaos qui sent l’alcool à flots, la poudre noire, la poussière et les filles à soldats, un licencié en droit propose son invention à Pancho Villa. Il s’appelle Feliciano Velasco Borbolla de la Fuente (un nom très courant, précise l’auteur) et il a perfectionné la guillotine si chère à la révolution française. Après une série de tests grandeur nature (une des meilleures scènes du livre), Villa, conquis, fonde un escadron guillotine dont ce petit livre de 176 pages narre les splendeurs et l’inévitable chute.
L’Escadron guillotine fait partie des meilleurs livres que j’ai lu cette année, et de loin : un summum de la littérature burlesque, un peu comme si Terry Pratchett s’était amusé à raconter SA révolution mexicaine. On y meurt avec facilité (attention aux périodes de tests de la guillotine) ; on y vit avec difficulté. La fête et la mort n’y font souvent qu’un (ce qui est très courant dans la culture mexicaine — Viva la muerte !). Quant aux lecteurs de Bifrost, à condition d’être amateurs de Grand Guignol, ils devraient plutôt y trouver leur compte, car Guillermo Arriaga — scénariste du génialissime 21 grammes — s’amuse comme un fou, nous expliquant ce qui est réellement arrivé à Ambrose Bierce, nous présentant une galerie de personnages plus fous les uns que les autres, tels les treize frères Trujillo, mais aussi la sauvage et féministe Belem, amatrice de poèmes de pacotille et bourreau expérimenté de la junte porfiriste. Voilà une anti-uchronie, une aventure imaginaire palpitante, où Arriaga redessine la révolution mexicaine tout en prenant bien soin de retomber sur ses pieds en rassemblant tous les points de divergence de son récit pour mieux les annihiler par un coup de théâtre final d’une grande logique. L’escadron guillotine ne fut jamais… n’hésitez pas à plonger dans ses sanglantes et terribles aventures (et méfiez-vous tout particulièrement des licenciés en droit).