Bruno Pochesci a débarqué sur la scène de l’imaginaire en 2013 et a depuis a enchaîné les parutions à un rythme très soutenu : un roman en 2016 chez Rivière Blanche (Hammour), mais surtout plus d’une soixantaine de nouvelles, à raison d’une dizaine chaque année, notamment dans Galaxies, Géante Rouge, AOC ou Gandahar. Nouvelles réunies dans un premier recueil à coloration fantastique, chez Malpertuis en 2018 (L’Amour, la mort et le reste) puis dans ce deuxième, L’Espace, le temps et au-delà, son pendant SF, aux éditions Flatland, qui ne comprend pas moins de seize nouvelles (d’une longueur moyenne d’une douzaine de pages), dont deux inédites.
Du reste, ce recueil se place sous le double patronage des Jean-Pierre : Fontana, qui signe ici une préface, et l’a publié le premier (et qui partage avec l’auteur des origines italiennes indéniables) ; et Andrevon, qui réalise la couverture, dont les albums de musique ont été produits par Pochesci, et dont les écrits ont visiblement influencé l’auteur (on y reviendra).
Si l’on doit décrire la SF de Pochesci, on notera surtout, d’un point de vue thématique, la prégnance de la fin du monde : nombre des textes ici réunis abordent en effet l’apocalypse, inéluctable, qu’il s’agisse de catastrophes écologiques ou d’expérimentations scientifiques qui ont mal tourné. On y retrouve également des thèmes classiques de la SF, le voyage dans le temps (un hommage à Wells où la machine prend la forme… d’un camping-car), le clonage (un texte dont les protagonistes s’appellent Gandhi, Hitler, Monroe, Einstein…) ou encore des crimes en huis clos dans un vaisseau spatial…
Les problématiques de fin du monde ne sauraient pour autant nous faire basculer dans la morosité, voire le désespoir : en effet, s’il y a bien une note commune dans ces nouvelles, c’est l’humour, qu’il soit goguenard, outrancier, noir ou désespéré. Pochesci use de nombreux effets, qu’il s’agisse du comique de situation (outrée), de dialogues drolatiques, ou de métaphores et d’analogies parfois invraisemblables. Il y a une vraie patte d’auteur là-dedans, un style aisément reconnaissable, notamment dans son utilisation du langage familier et son recours très fréquent au présent de narration pour décrire des tranches de vie. Autant de caractéristiques communes qui nous amènent à reparler de Jean-Pierre Andrevon : on retrouve une filiation très claire entre les deux auteurs. Ce n’est pas le pire des modèles pour Pochesci, aussi lui souhaitera-t-on de réussir la même carrière que son glorieux aîné ; cependant, sans doute n’était-il pas nécessaire pour autant de lui emprunter également le systématisme des scènes de cul, qui parsèment l’ensemble des nouvelles (et en constituent parfois le thème principal) et finissent par lasser. Au rayon des critiques, on pourra peut-être aussi regretter une trop grande uni(formi)té de ton : on aimerait bien voir ce qu’est capable d’écrire l’auteur dans le registre tragique pur, à tout le moins débarrassé de l’habituel ton gouailleur, ou dans des styles plus classiques.
En l’état, L’Espace, le temps et au-delà est donc un excellent moyen d’entrer dans l’œuvre de Bruno Pochesci et de découvrir une des nouvelles voix de la SF française dans la forme courte. Un potentiel certain, qu’il conviendra de faire fructifier en diversifiant encore davantage les thématiques et traitements associés.