Durant la Première Guerre mondiale, Ionas et Caïn, deux frères, dirigent une compagnie de Cosaques sur le point de déserter. Lors d’une confrontation avec l’ennemi, Ionas, amoureux de Hiéléna, une Ukrainienne d’Odessa, meurt ; Caïn réussit à s’en sortir et revient à Odessa, où il se marie avec Hiéléna. Sauf que… sauf que Ionas n’est pas mort : il se réveille un jour, devenu vampire — selon Sfar, simplement en restant au contact d’un charnier ; faisons fi de toute logique. Après quelque temps passé à tenter de se faire à sa nouvelle condition, tuant des animaux avant de comprendre que rien ne vaut le sang humain, il rentre chez lui et découvre la trahison dont il est victime de la part de son frère et de sa bien-aimée. S’ensuivront des péripéties diverses et variées, où Ionas tentera de regagner le cœur de Hiéléna tout en la défendant contre une mandragore et un autre vampire, féminin celui-là…
Ce livre est présenté par l’éditeur comme le premier roman de Joann Sfar, ce qui n’est pas tout à fait exact, puisque Sfar avait déjà publié dans chez Denoël « Graphic » deux tomes de « L’Homme-arbre », roman illustré par Sfar lui-même, même si le dernier tiers n’est jamais paru. L’Eternel permet donc de juger Sfar sur un autre média que la bande dessinée ou le cinéma. Et force est de constater qu’il s’y révèle nettement moins à son avantage : si la volonté de l’auteur est de nous proposer un roman léger autour du mythe du vampire, cela ne justifie pas la désinvolture manifeste avec laquelle ce livre a été écrit. Certes, la transformation initiale d’Ionas en vampire, traitée par-dessus la jambe, n’augurait rien de bon. La suite est du même calibre, Sfar se contentant de dérouler le fil de son roman sans tenter de le structurer ; on a l’impression qu’il couche les idées sur le papier à mesure qu’elles lui viennent à l’esprit. Résultat : un roman foutraque, incohérent, qui réussit néanmoins à proposer quelques scènes savoureuses (entre le vampire et la psychiatre) ou réparties qui font mouche, malheureusement noyées dans une intrigue et une construction approximatives. Et la deuxième partie du roman, où Ionas part en Amérique et y rencontre une psychiatre, ne vient pas arranger les choses, tant elle part en vrille à mesure que nous croisons la route d’un loup-garou et d’un Howard Phillips Lovecraft centenaire ! N’en jetez plus ! L’Eternel aurait pu, s’il avait bénéficié d’une direction d’ouvrage ferme, proposer une entrée nettement plus convaincante que cet exercice freestyle — sur 450 pages ! — de Joann Sfar, parfois jouissif mais la plupart du temps inutile. L’Eternel ? Vite oublié.