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Les critiques de Bifrost

L'Étoile flamboyante

L'Étoile flamboyante

Nicolas BOUCHARD
MNÉMOS
300pp - 21,00 €

Bifrost n° 57

Critique parue en janvier 2010 dans Bifrost n° 57

Voici un roman tout à la fois satisfaisant et décevant. Satisfaisant, car c'est un roman d'aventures S-F au rythme plutôt enlevé, non dénué d'un certain humour, qui ne laisse pas place à l'ennui et remplit le contrat de lecture. Décevant parce que l'on attendait mieux, bien mieux de Nicolas Bouchard pour son retour à l'Imaginaire. Il semble en passe de devenir, à l'instar de Laurent Genefort, un auteur qui, le métier venant, produit des livres plaisants et réussit sans jamais pour autant s'imposer avec une œuvre magistrale. (Certains pensent qu'avec Omale, Genefort a franchi un tel palier.) Peut-être Nicolas Bouchard a-t-il effectué ce bond hors genre, dans le thriller, à l'occasion des livres qu'il a publiés chez Flammarion par exemple, mais pas ici. Nulle part il n'est dit qu'il faille être de formation scientifique pour écrire de la science-fiction, et nulle part il n'est non plus dit que l'on ne puisse en écrire en étant, comme Nicolas Bouchard, de formation juridique. Qu'on se souvienne de notre ami Serge Delsemme, avocat dans le « civil », qui, s'il écrivait peu, écrivait bien. Mais on regardera surtout outre-Atlantique où l'écriture est un vrai métier et souvent un métier de second degré, entendez par là un métier où l'auteur puise dans l'expérience acquise dans sa profession d'origine (chercheur, juriste, historien, policier, etc.) pour alimenter son écriture. Le thriller juridique y est devenu un genre en soi, produit son lot de best-sellers et, à l'occasion, d'excellents romans. Cela ne présageant en rien de l'avenir littéraire de Nicolas Bouchard mais peut-être faut-il aller lire ses thrillers pour découvrir le meilleur de sa production à ce jour. Avec Terminus Formalhaut (publié par Gilles Dumay, déjà, chez Encrage en 1997), on avait découvert un débutant prometteur et il a certes depuis acquis de la bouteille, mais la chenille ne s'est toujours pas métamorphosée en un splendide papillon imaginaire.

C'est un planet opera pur jus que nous livre ici Nicolas Bouchard. Une Guilde de consortiums privés a lancé le Gilgamesh, premier vaisseau interstellaire, vers Gaïa et son étoile Galatée, sous le commandement du capitaine Gloria et de l'IA Ghea — Bouchard s'est amusé à ce que tous les noms du roman commencent par un G. Gaïa, comme Mercure, n'effectue qu'une rotation par révolution. Elle présente donc toujours la même face à son étoile tandis que l'autre reste perpétuellement plongée dans l'ombre et le froid. Seule une étroite bande, dans le terminateur, est habitable. Les consortiums à l'origine du projet ont reproduit sur Gaïa leur sauvage hégémonie capitaliste, quelques richissimes familles exploitant à qui mieux mieux la grande masse des colons à la faveur de l'apartheid génétique qu'elles ont instauré à cette fin.

Gwladys Gance est l'orpheline héritière d'un de ces empires, un empire administré par la famille Gündar en attendant la majorité de la jeune fille. Durant ce temps, la blonde Gwladys est une people écervelée qui défraie la chronique mondaine et alimente de ses frasques les tabloïdes tout en faisant tourner en bourrique tous les minets de la jet-set locale. Ses feus parents nourrissaient, eux, de grands projets pour Gaïa, qui ne sont pas le moins du monde au goût des Gündar. Ceux-ci sont prêts à tout pour s'y opposer et déterminés à s'emparer du testament des Gance de sorte à ce que leur fille ne reprenne pas leur flambeau…

On est là à mille parsecs du nouveau space opera (NSO). Si l'auteur en utilise volontiers la terminologie (IA quantique, etc.), son absence de formation scientifique est patente. Il exploite cette terminologie davantage à la manière d'un Jack Williamson qu'à celle d'un Peter Watts. On peut ainsi voir le Gilgamesh décoller sous la poussée de ses tuyères ! Voilà qui rappelle Bernard Werber, avec cette réserve que Nicolas Bouchard, lui, n'a aucune prétention à l'exactitude scientifique !

Tout ce que l'humanité a conservé après des années-lumière de voyage et cinq siècles de colonisation, outre le capitalisme le plus sauvage — on ne redresse pas un arbre tordu —, est ce que notre culture a de plus superficiel : people, jet-set, tabloïdes, scandales, mondanités, paparazzi et bagnoles de sport pour faire la course bourré sur la corniche en Lamborghini de la Riviera à Saint Trop' en version Gaïane. L'idée ne manque pas de saveur. On retrouve là l'humour décalé de l'auteur, qui transpose hors contexte certains des traits les plus triviaux de nos sociétés, ce qui nous avait valu de croustillants constats d'adultère dans Astronef aux enchères (Fleuve Noir). Ajoutons un brin de mysticisme pour aromatiser le tout et suspendons bien haut l'incrédulité pour trouver le plaisir que peut procurer ce roman sans génie mais amusant. En passant.

Jean-Pierre LION

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