Claire BILLAUD
LE PEUPLE DE MÜ
240pp - 19,00 €
Critique parue en juillet 2018 dans Bifrost n° 91
Grande-Bretagne, époque contemporaine. Lasse des affaires d’adultère, la détective Nadia Leigh succombe au charme de l’inconnu, entamant une enquête pour laquelle elle a été sollicitée de manière insolite. En effet, dans un courrier lui étant adressé, un certain Edward M. Nottinger lui demande d’élucider un assassinat commis à Hastings. Selon la police, la victime, dont on a retrouvé le corps dans la bibliothèque de sa demeure familiale, se serait suicidée. Un fait qu’il conteste, bien évidemment, dévoilant dans son message d’autres éléments plus occultes. Mais peut-on croire l’auteur d’une lettre lorsqu’il prétend être la victime elle-même ? En tout cas, le mystère de la situation titille le sens de la logique de Nadia, d’autant plus que la médium ayant servi d’intermédiaire n’est plus en mesure de confirmer s’il s’agit ou non d’un canular, ayant elle-même basculé depuis dans la folie. Toute affaire cessante, la détective prend le train pour Hastings afin de satisfaire sa curiosité et, sur place, ne trouve qu’un faisceau de faits étranges appelant bien d’autres questions. D’abord, un majordome désœuvré, aux prises avec de lointains héritiers chicaneurs, qui n’hésite pas à lui ouvrir les portes de la demeure du défunt. Puis, dans la cave, un coffre rempli de secrets de famille inavouables, prouvant notamment l’existence d’un lien entre le père de la victime et un club réservé aux hommes qui semble abriter des activités bizarres. Enfin, elle reçoit en rêve la visite de son client, du moins, de son fantôme, une apparition spectrale qui la pousse à poursuivre ses investigations jusqu’au bout, quitte à se frotter aux adeptes d’un culte impie prophétisant l’apocalypse et aux créatures qu’ils invoquent.
Que ce soit en littérature, en bande dessinée, au cinéma ou dans le jeu de rôle, H. P. Lovecraft et son univers fascinent toujours une foule de continuateurs, de pasticheurs et autres commentateurs passionnés par un auteur suscitant par ailleurs la controverse pour certaines de ses idées. Jeune auteure venue de l’autoédition, Claire Billaud signe, avec ce second roman paru chez Mü Éditions, une variation autour de l’imaginaire de l’auteur de Providence, puisant dans son œuvre quelques motifs empruntés au pseudo-mythe de Cthulhu et aux aventures d’Herbert West. Pourtant, en dépit de prémisses engageantes, on ne peut s’empêcher de trouver L’Étrange affaire Nottinger un peu terne et mollasson. La faute surtout à une intrigue dépourvue de toute tension dramatique, de tout sentiment d’effroi ou de folie. En conséquence, on tourne les pages poliment, sans véritable passion ou frisson, se contentant de suivre un récit factuel et balisé dépourvu de véritable souffle horrifique. La menace esquissée à Hastings n’est d’ailleurs même pas indicible, elle se révèle juste convenue, prévisible, l’atmosphère fantastique semblant shootée aux anxiolytiques. Quant au traitement des personnages, il ne suscite guère l’adhésion ou la répulsion. Tout au plus, une attention distraite pour leurs malheurs, mais guère davantage.
Bref, s’il n’y a pas matière à s’enthousiasmer ou à frémir en lisant L’Étrange affaire Nottinger, on se gardera pourtant d’accabler une auteure qui s’essaie à un genre qu’elle ne maîtrise manifestement pas. Sans doute pèche-t-elle par la timidité de son écriture, qui peine à convaincre tant elle ne transmet guère d’émotion ou de mystère. On se contentera donc de signaler l’existence de ce roman, à défaut d’en louer le caractère incontournable.