Si vous avez l’impression que le steampunk est partout, ne vous inquiétez pas : nous venons en paix. Surtout que votre impression est en partie erronée. La présence éditoriale du steampunkdemeure assez limitée dans le domaine littéraire francophone. C’est pour cela que l’initiative annuelle des éditions Bragelonne, publiant un trio de romans avec un magnifique travail autour de l’objet livre, mettant en avant le label steampunk, est une bonne chose. Bien sûr, le choix des textes peut prêter à discussion d’une année sur l’autre. Mais il est un auteur contemporain dont la légitimité ne peut être mise en question et dont la présence dans le rayon d’une bibliothèque steampunk ne prête pas à discussion : Mark Hodder.
Avec le premier volume des aventures de Burton et Swinburne, Mark Hodder réussissait un tour de force. Dans L’étrange affaire de Spring Heeled Jack, il racontait comment un monde victorien devenait progressivement, par la multiplication des boucles temporelles causées par un voyageur du temps maladroit, un monde steampunk.
Ce deuxième roman est celui de l’exploration dudit monde. Il reprend de nombreux personnages secondaires, et surtout continue à s’appuyer sur le duo constitué par l’explorateur vieillissant Sir Richard Francis Burton et le poète masochiste Algernon Swinburne. Nous retrouvons également l’humour (ah, les perroquets messagers sont dignes des Monty Python !) et le sens de l’invention visuelle qui faisaient déjà la saveur du premier volume.
Dès les premières pages, Burton, un rien dépressif, en pleine crise de malaria, entame une course-poursuite à travers les rue de Londres. Il s’agit d’empêcher un vol de pierres précieuses, qui met en scène l’homme mécanique du titre. Ensuite, comme dans un roman de Conan Doyle, Burton doit démêler une affaire de potentielle usurpation d’identité concernant un descendant de la famille Tichborne. Ce dernier avait disparu depuis des années et revient réclamer son titre et son héritage. Les sombres créatures qui hantent l’ancienne demeure de Tichborne cachent peut-être un complot contre l’empire…
Hodder explore au fil des pages le principe d’incertitude posé dans le premier livre, quand Burton avait choisi une réalité plutôt qu’une autre. Burton sait que le monde dans lequel il vit n’est pas celui qui aurait dû être. Les figures historiques apparaissent, le spiritisme joue un grand rôle, les degrés de la fiction semblent parfois se mélanger et Hodder orchestre le tout avec beaucoup de maîtrise. Lesteampunk d’Hodder est tout sauf gratuit. La technologie, qu’elle soit d’origine scientifique ou magique, y est considérée non seulement comme un effet d’émerveillement, mais aussi dans ses conséquences sociales et politiques. Ce qui est exactement ce que propose le steampunk à son meilleur : de l’aventure et de l’action dans un monde cohérent problématique, un mélange détonnant d’uchronie, de science-fiction et de fantasy.