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Les critiques de Bifrost

L'Evangile cannibale

L'Evangile cannibale

Fabien CLAVEL
ACTUSF
312pp - 17,00 €

Bifrost n° 74

Critique parue en avril 2014 dans Bifrost n° 74

Auteur d’une vingtaine de romans dans de nombreux registres de l’Imaginaire, Fabien Clavel s’attaque ici à la figure, décidément très à la mode, du zombie.

« Bouffer ou être bouffé, c’est notre seul moyen de survivre. Ceci est mon témoignage. »

Matt Cirois, quatre-vingt-dix ans et pas franchement bien portant, coule ses derniers jours « heureux » dans la maison de retraite des Mûriers. Son activité favorite ? Cracher sur les aides-soignantes, se faire détester et haïr les autres. Jusqu’au jour où la doyenne du mouroir fait un rêve : l’apocalypse est pour bientôt ; il faut s’y préparer. Après une réclusion de quarante jours, Matt et quelques autres pensionnaires retrouvent le monde réel. Paris est dévasté et hanté par des zombies. Maintenant, il va falloir survivre…

Romancier chevronné, on l’a dit, Fabien Clavel livre ici un court roman maîtrisé au rythme endiablé rempli de références cinématographiques : les créatures évoquent celles de Romero, le Paris dévasté rappelle le Londres de 28 Jours plus tard, et de nombreux passages humoristiques évoquent Welcome to Zombieland (souvenez-vous de Bill Murray…). L’écriture est ciselée avec toujours le mot juste. Le ton, plein d’humour (noir), fait souvent rire (jaune), mais il est aussi cru et acerbe. S’ajoute une réelle mise en abyme, quand les protagonistes évoquent les films de Romero et la culture zombie. Enfin, le roman est porté par une galerie de personnages hauts en couleur. Entre le vieux facho sur le retour, celui qui ne parle qu’en chansons (toujours appropriées) et le narrateur manipulateur et paranoïaque, on a le droit à des « z-héros » très attachants.

Un petit bémol, toutefois (mais qui ne gêne en rien la lecture) : on a du mal à croire à ces vieux médicalement assistés, en fin de vie, qui s’en sortent sans trop de difficulté.

Roman bien plus fin qu’il n’y paraît, L’Evangile cannibale juxtapose avec à propos des zombies incarnant la décadence corporelle poussée à l’extrême et de vieux grabataires. L’auteur décrit dans sa première partie l’effrayant quotidien d’une maison de retraite et pointe du doigt la façon dont notre société gère la vieillesse et l’isolement des personnes âgées. Plus loin, c’est la société de consommation qui en prend plein les dents. À quoi bon voler des écrans plats au cours d’une invasion zombie ?

Bref, voici un petit OLNI à ne pas rater, un joli coup de cœur pour bien démarrer l’année.

Manuel BEER

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