Au lendemain du terrible incendie qui a ravagé une partie de Moscou, le peuple cherche un coupable. Qui d’autre que Vassia, la sorcière qui, grimée en homme, les a trompés pendant un temps, s’attirant honneurs et sympathie par son courage jusqu’à ce que sa nature de femme soit mise au jour ? La foule, menée par le père Konstantin écartelé entre désir et haine, lui érige un bûcher après avoir tué son magnifique cheval Soloveï. Vassia parvient à fuir et trouve refuge dans La Minuit en échappant à l’Ours Medved. Il est dit qu’elle suivra son propre chemin malgré les dangers omniprésents d’un monde surnaturel qu’elle ne connaît pas encore. Dans la Rus’, les Tatars lèvent une armée sous l’égide d’un chef de guerre sanguinaire, Mamaï. Le prince Dimitri doit faire parvenir son tribut sous peine d’avoir à livrer bataille contre la Horde d’Or, infiniment plus puissante que ses propres troupes et celles de ses vassaux, si toutefois il parvient même à les unir.
Vassia entreprend un double voyage. Le premier, personnel, celui de l’acceptation de ce qu’elle est et des implications qui en découlent pour elle et pour les autres, passe par la découverte de ses origines. Le second, teinté d’idéalisme, celui de l’unification des mondes et des hommes, représente une tâche immense pour une jeune femme, quelle que soit sa volonté. La guerre et l’opposition ne sont pourtant pas les seuls chemins. Morozko et Medved, les frères jumeaux en conflit ouvert et permanent, magie ancienne et religion chrétienne, hommes et créatures surnaturelles, peuvent coexister. Cette voie médiane, plus difficile à arpenter car il est toujours plus simple de choisir un camp et d’être persuadé qu’il est le bon, Vassia l’incarne. Elle est un trait d’union entre les différences, un pont, solide autant que fragile, entre les mondes. Si ce chemin n’est pas exempt de sang, de mort et de larmes, au moins s’ouvre-t-il sur la possibilité d’un monde meilleur.
Katherine Arden place ses personnages devant des dilemmes moraux qui les poussent à sortir du schéma manichéen du Bien contre le Mal et en profite pour retourner quelques stéréotypes de genre Puisant toujours plus dans les mythes et le folklore russe, elle offre, avec L’Hiver de la sorcière, un troisième volet à la narration maîtrisée, riche en images et en émotions, alliant finesse et fureur. Il clôt en beauté la série. Pour l’apprécier à sa juste valeur, mieux vaut avoir lu les tomes précédents (L'Ours et le Rossignol et La Fille dans la tour), même si l’éditeur assure que ce n’est pas indispensable. Dans son ensemble, cette « Trilogie d’une nuit d’hiver » constitue une lecture hautement recommandable.