AYERDHAL
FLAMMARION
226pp - 10,52 €
Critique parue en mai 2000 dans Bifrost n° 18
Revoilà donc Mark Sidzik ! Le héros partagé de l'auguste maison Flammarion est de retour sous la plume d'Ayerdhal qui, naguère, s'était illustré dans ce genre d'exercice avec un « Macno » dont le principal mérite était d'être le premier.
« Quark Noir » propose de petits thrillers scientifiques s'inscrivant dans un futur immédiat. Le projet éditorial est sous-tendu par la volonté de défendre une certaine éthique, au point que l'on peut se demander s'il n'est pas parrainé par des comités bien réels. Plus que tout autre, Ayerdhal ne pouvait qu'être attiré par un tel projet.
Ayerdhal n'est plus ce qu'il était. Il est désormais un moraliste bien-pensant qui, à défaut d'être complètement creux, est franchement lourd et pompeux. Ici, le cadre et la courte distance l'ont contraint à ne point trop en faire. Préoccupé par la leçon de morale qu'il pense avoir à donner, il écrit un roman d'action sans jouer de l'implication spéculative, comme a su le faire Joëlle Wintrebert.
Markus Weinmar, ami de Sidzik et agent du WER, s'est mis au terrorisme, enchaînant les attentats contre des entreprises ayant investi dans les énergies propres comme des perles. Là, il faut opérer le distinguo entre propre et renouvelable. Parce que bien que renouvelables, les biocarburants n'en sont pas moins polluants que les fossiles ; ils produisent aussi des gaz à effet de serre alors que, non renouvelables, les carburants fossiles n'en produisent pas — ils ont leurs propres inconvénients. Comme le disait récemment M. Duffour, leader de la Confédération Paysanne au sujet de l'agriculture raisonnée : « S'il s'agit de polluer moins pour polluer plus longtemps, ce n'est bien sûr pas ce que nous défendons ». C'est cette tendance politico-éthique qu'Ayerdhal soutient. Sidzik est donc lancé dans une chasse à l'homme épaulé par les services de renseignements européens en la personne de l'amazone ayerdhalienne de service. Or, voilà que l'on prête à Weinmar des attentats qu'il n'a pas commis. Contre le projet (fictif) d'EDF Coriolis — un projet éolien tout à fait propre bien que technologiquement peu crédible (voir la postface). La rencontre aura lieu en Corse lors d'un colloque préparatoire à la CME (Conférence Mondiale sur l'Energie — sigle mal choisi puisque déjà utilisé pour Conférence Mondiale sur l'Eau ; sigle mal choisi donc mais lieu qui l'est tout autant alors que la guerre d'indépendance continue de faire rage dans l'Île de Beauté).
La réflexion la plus intéressante concerne EDF dont la production est principalement d'origine nucléaire. Ayerdhal souligne que son principal actionnaire est l'État ; ce qui lui permet la recherche à long terme, fondée sur les aspirations écologiques des citoyens. Dans le commerce de l'énergie, EDF fait figure à la fois de mouton à cinq pattes et surtout de mouton noir car, à l'inverse, l'industrie privée — financée pour une bonne part par les fonds de pension — , ne peut que se soucier de rentabilité immédiate. Dans 30 ans, ceux qui attendent rétribution de leur fond de pension seront morts ! Le pensionné qui finance le privé pense à son bref avenir tandis que le citoyen qui finance le public pense à assurer l'avenir de ses enfants…
Si, sur la forme, L'Homme aux semelles de foudre n'a pas de quoi casser trois pattes à un canard, le background est vecteur d'une réflexion intéressante. Quant au récit lui-même, il est facile mais assez remuant pour ne laisser nulle place à l'ennui. En passant.