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Les critiques de Bifrost

L'Homme qui vendit la Lune

L'Homme qui vendit la Lune

Robert A. HEINLEIN
FOLIO
378pp - 9,90 €

Bifrost n° 95

Critique parue en juillet 2019 dans Bifrost n° 95

Si l’histoire officielle n’a retenu que la date de 1969, c’est pourtant en 1950 que les États-Unis ont (re)posé un premier pied sur la Lune, pied dont le propriétaire n’était autre que Robert Anson Heinlein. C’est en effet à cette date que sort en salle Destination… Lune ! et en librairie L’Homme qui vendit la Lune, deux œuvres qui ont beaucoup fait pour populariser l’idée d’un voyage vers notre satellite auprès du grand public américain. Elles sont aussi l’aboutissement d’un travail entamé par l’auteur peu après la fin de la guerre, une série de textes qui, pour la plupart, s’inscrivent dans son « Histoire du futur » et prennent la Lune pour cadre. Notons en particulier « Jockey de l’espace » (1947) ou la difficile vie d’un pilote assurant la liaison Terre-Lune, « C’est bon d’être de retour » (1947) dans lequel un couple, après trois années passées à Luna City, décide de rentrer chez lui avant de réaliser qu’il n’y trouve plus sa place, et « Les Puits noirs de la Lune » (1948), une excursion familiale lunaire qui manque de peu de tourner mal. Ces nouvelles sont très loin d’être ce qu’Heinlein a écrit de mieux, mais elles eurent l’insigne honneur de paraître dans le Saturday Evening Post, l’un des plus gros tirages de la presse américaine de l’époque, guère habitué à ouvrir ses pages à la science-fiction.

Destination… Lune ! est sans doute l’œuvre d’Heinlein qui obtint le plus grand impact au moment de sa sortie. Un film de SF aux antipodes de ce que proposait le genre alors, ne sacrifiant pas la vraisemblance scientifique au spectaculaire, s’appuyant sur de solides effets spéciaux, et accordant autant d’importance et de minutie à ses préparatifs qu’à la mission elle-même. De son côté, L’Homme qui vendit la Lune s’intéresse davantage au montage du premier vol vers la Lune qu’à sa réalisation proprement dite. Et plus encore à son financement qu’aux problèmes techniques à résoudre. C’est son aspect le plus novateur, à une époque où il arrivait encore que l’on croise un scientifique génial capable de bricoler seul une fusée au fond de son jardin et de partir vers les étoiles. Heinlein met ici en scène l’un de ses héros les plus mémorables, D.D. Herriman, homme d’affaires hors-pair et margoulin de première, dont la volonté d’être le premier homme à atteindre la Lune vire à l’obsession. Pour financer son projet, Herriman fera feu de tout bois, multipliant les promesses pour faire les poches des grands industriels, développant les idées les plus délirantes, détournant la loi afin de devenir l’unique propriétaire du satellite, instillant dans la population à grand renfort de campagnes publicitaires l’idée que l’avenir de l’humanité se trouve là-haut. Outre l’inventivité permanente dont fait montre Herriman pour parvenir à ses fins, le récit est porté par sa gouaille inébranlable et un goût de la réplique qui fait mouche à tous les coups. Son histoire trouvera sa conclusion dans « Requiem », une nouvelle paradoxalement parue dix ans plus tôt, ce qui lui est malheureusement préjudiciable tant la façon dont Heinlein y traite son personnage est éloignée de celle adoptée dans L’Homme qui vendit la Lune.

Philippe BOULIER

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