Jean-Jacques BRIDENNE, (non MENTIONNÉ), Jean-Luc BUARD, Édouard HANNOFF, Gérard KLEIN, Maurice RENAULT, Jean LECLERCQ, François RAYMOND, Yves OLIVIER-MARTIN, Jean-Dominique BRIDENNE, Daniel COMPÈRE, Jean-Jacques BRIDENNE, Jean-Luc BUARD, Gér
ENCRAGE
300pp - 30,00 €
Critique parue en octobre 2023 dans Bifrost n° 112
Cela fait une bonne dizaine d’années que l’on voit fleurir des ouvrages, notamment universitaires, sur le merveilleux-scientifique, sans parler des expositions qu’accueillent des lieux prestigieux comme la Bibliothèque Nationale de France. Mais l’ouvrage qui nous arrive aujourd’hui est à bien des égards exceptionnel, car il s’agit d’un travail fondateur quasiment mythique qu’il était jusqu’à aujourd’hui impossible de consulter ou presque.
Enseignant de formation, Jean-Jacques Bridenne (1913-1969) exerça diverses fonctions dans l’Éducation nationale, mais œuvra aussi dans le traitement et la prévention de la délinquance juvénile. Sa véritable passion était cependant toute autre : ce qu’il appelait « la littérature d’imagination scientifique », à laquelle il consacra deux travaux d’importance. D’abord un essai publié en 1950, que la défaillance de son éditeur empêcha d’être correctement distribué, puis une thèse soutenue en décembre 1952. Tous deux ont des titres semblables, La Littérature française d’imagination scientifique pour l’essai, la thèse ajoutant : « dans la seconde moitié du XIXe siècle ». L’essai fut réédité en 1983 par Antarès pour le compte de la famille Bridenne, et le présent ouvrage nous présente la thèse ; pour éviter toute confusion supplémentaire, l’éditeur a choisi de lui donner un autre titre, fort approprié.
L’ouvrage s’ouvre par une brève préface de Gérard Klein, qui expose les enjeux de la thèse de Bridenne, à savoir souligner l’importance du courant merveilleux-scientifique en France. Suit une introduction plus développée de Jean-Luc Buard, qui brosse un tableau de la situation de la science-fiction au début des années 1950, tant la française que l’américaine, introduite alors dans notre pays de tapageuse façon – une mise en bouche indispensable pour mieux apprécier les pages qui suivent. Enfin, le dossier qui conclut le volume – provenant en grande partie des pages de la revue Rocambole – permet d’avoir de nouveaux aperçus, certains intimes, sur Bridenne et ses travaux.
Ceux-ci ont été prolongés par de nombreux continuateurs, au premier rang desquels figurait Jacques Van Herp – qui avait prévu de collaborer avec lui sur son Panorama de la science-fiction (1973) –, et c’est d’ailleurs sous la forme d’un panorama que se présente cette thèse : y sont convoqués des grands noms – Balzac, Verne, Zola, Rosny aîné, Renard… – et d’autres moins connus, qui tous ont fait appel à l’imaginaire scientifique, avec des bonheurs certes inégaux, pour bâtir leur œuvre romanesque. Les experts ès histoire de la science-fiction française n’apprendront pas grand-chose de ce retour aux sources, mais son principal intérêt est de nous donner un aperçu d’une époque où l’introduction massive d’une certaine culture américaine – polar noir, science-fiction – n’était pas sans susciter quelque réticence ; comme le dit la coupure de presse rapportant le succès de Bridenne : « À l’heure où l’on vante tellement les ouvrages étrangers d’anticipation, un tel rappel s’imposait. » Les temps ont-ils changé ?