Le croiseur Condor a brusquement cessé de donner signe de vie alors qu’il était en mission sur Régis III, et ce malgré le fait qu’il est équipé de champs de force infranchissables et d’un armement suffisant pour raser des montagnes ou assécher un océan. Un vaisseau du même type, l’Invincible, arrive sur place pour enquêter. Il découvre un monde étrange, où la vie existe dans les océans mais est totalement absente sur les continents – des déserts stériles que parsèment d’étranges ruines formées d’entrelacs de câbles noirs. Le Condor est presque intact, mais tout son équipage est mort mystérieusement, à l’exception d’un homme plongé en hibernation dont, une fois éveillé, on s’aperçoit que ses centres cérébraux de la parole sont effacés. C’est alors qu’un étrange nuage de « mouches » noires va se mettre en branle…
Rédigé en 1962-63, L’Invincible est une application très précoce d’une thématique / technologie SF dont il n’existe que trois ancêtres antérieurs (dont un également rédigé par Lem – dans éden) et qui ne deviendra courante dans le genre que plusieurs décennies plus tard. Sur ce point et sur d’autres, c’est un roman de hard SF tout à fait remarquable, du Peter Watts bien avant l’heure, montrant que ce n’est pas l’être le plus évolué, le plus conscient ou le plus intelligent qui prend l’avantage sur ses concurrents… bien au contraire. Mais ce roman est aussi un anti-space opera, montrant que la prétendue toute puissante technologie humaine ne peut pas tout résoudre et que notre espèce n’est peut-être pas destinée à occuper ou transformer chaque monde, ni à détruire toute espèce qui menace un homme. L’Invincible ressemble à Solaris dans la futilité des tentatives de communication avec l’Autre, mais s’en démarque dans le fait que si la planète Solaris est le triomphe de l’évolution d’une biosphère, qui finit par être intelligente à l’échelle d’un monde entier, la Nécrosphère de Régis III relève de principes opposés.
Sur le papier, voilà a priori un roman de SF de tout premier plan. Las, si le fond est suprêmement intéressant, surtout pour un texte aussi ancien, la forme ne suit pas du tout. La narration est très froide, tenant presque plus du rapport que d’un récit vivant, et les personnages sont des spectres sans âme ou presque. De plus, une fois l’explication sur la nature et les origines de la Nécrosphère donnée, le reste du livre n’a plus guère d’utilité, et on pourrait en arrêter la lecture sans rien manquer d’essentiel. On ajoutera que le propos (la traduction ?) fait vieillot, avec ses moteurs atomiques, ses robots très pulps et ses rayons d’antimatière de la mort-qui-tue (même si ces derniers catalysent une scène de combat ultra-spectaculaire). On conseillera donc plus sa lecture à l’historien de la (hard) SF qu’au lecteur moyen.