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Les critiques de Bifrost

L'Or du diable

Andreas ESCHBACH
L'ATALANTE
448pp - 23,90 €

Critique parue en avril 2018 dans Bifrost n° 90

Conseiller des investisseurs, leur dire comment faire fructifier leurs économies alors qu’on a soi-même un train de vie correct, mais sans plus, ce n’est pas évident tous les jours. Et même terriblement frustrant si l’on a un peu d’ambition. Or, de l’ambition, Hendrik Busske en a à revendre. Et l’écart entre ses rêves et la réalité lui pèse de plus en plus. Alors, quand il tombe par hasard sur un mystérieux ouvrage ancien évoquant la pierre philosophale, capable de créer de l’or, il le vole… et scelle ainsi son destin. Pas de Marguerite, pour ce Faust moderne : seule la volonté de se hisser au-dessus des autres, d’appartenir à la catégorie sociale supérieure, sert de moteur. Et elle va l’entraîner dans une spirale… infernale ?

Délaissant ses thèmes futuristes habituels, Andreas Eschbach s’attaque au célèbre mythe de la pierre philosophale. L’histoire du jeune ambitieux, qui se déroule à l’époque moderne (mais commence avant l’an 2000 et son célèbre bug), est entrecoupée de la découverte d’anciens manuscrits. Avec eux, le lecteur retrouve les figures attendues : une époque barbare, des châteaux, des hommes rudes et cupides, des savants mystérieux habités par la volonté de maîtriser des techniques mi-scientifiques, mi-magiques. Il découvre aussi la présence insistante de l’Ordre des chevaliers teutoniques, tout auréolé d’un parfum de mystère, de complots, de plans secrets aux multiples ramifications. Mais heureusement, à cette vision plutôt traditionnelle, l’auteur ajoute un regard scientifique (et sauve ainsi le roman). Le frère du personnage principal travaille au CERN. Pour lui, cette pierre, si elle existe, doit être un fragment de météorite, pas la création d’un quelconque savant fou. S’il aide Hendrik dans sa quête, c’est pour récupérer cet objet et l’emporter dans son laboratoire afin de l’analyser. D’ailleurs, on le voit dans les récits médiévaux, la pierre philosophale décrite semble avoir des propriétés radioactives…

Quête personnelle, voire philosophique, doublée d’un thriller (les manuscrits sont très recherchés), L’Or du diable est un récit intelligemment construit (mais attendait-on autre chose d’Andreas Eschbach ?). D’un thème rebattu cent fois, il fait un roman agréable à suivre, bien ancré dans notre monde matérialiste, esclave des apparences, et en même temps dépaysant. Ce n’est certes pas une pépite, tant il souffre du peu de charisme de son personnage principal. Cet Hendrik Busske est falot, terne, sans réelle volonté. Suivre ses tergiversations, être dépositaire de ses préoccupations mesquines tient parfois du parcours du combattant. Mais s’arrêter à cet écueil serait se priver de la lecture d’une œuvre prenante et enrichissante.

Raphaël GAUDIN

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