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Les critiques de Bifrost

L'Ordre du Labyrinthe

Lisa GOLDSTEIN
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
256pp - 19,90 €

Critique parue en avril 2018 dans Bifrost n° 90

San Francisco. Molly Travers a été élevée par sa tante Fentrice qui maintient son propre passé dans le brouillard, celui de Londres et des brumes que favorisent les spectacles d’illusions. Car la famille est d’origine britannique et célèbre pour sa magie de scène. Cela, depuis qu’elle a immigré aux États-Unis dans des circonstances plus ou moins imposées. Auparavant, l’art pratiqué était la magie effective, au bénéfice de nantis regroupés en une société d’occultisme, « L’ordre du labyrinthe ». Contrainte par le détective John Stow d’enquêter sur le passé familial, Molly Travers va découvrir des pans entiers du réel qui lui étaient inconnus, comme autant de détours du labyrinthe qui symbolisent les aléas de la vie. Une analogie qui n’a en soi rien d’original, puisqu’il s’agit du symbole universel associé au labyrinthe, mais qui, dans le récit, a su séduire la gentry friande de surnaturel, communauté très bien rendue par l’auteure. Hélas, passé l’épisode londonien, l’exercice apparaît comme assez vain…

Pourtant tout était rassemblé pour séduire. Tradition familiale occultée, intrusion du merveilleux dans une existence jusqu’alors banale, obligation d’assumer son héritage et ses conséquences, L’Ordre du labyrinthe offre ainsi nombre de thèmes déjà présents dans Sombres cités souterraines. À ceci près qu’ici, le roman peine à convaincre, victime d’une narration statique, et cela pour plusieurs raisons. La famille au cœur du récit compte de nombreux membres dont les noms, pseudonymes et identités d’emprunt rendent confuse la lecture et contrecarrent l’immersion. La structure, faite d’emboîtements de journaux, lettres et témoignages, constitue autant d’amorces sans jamais parvenir à une narration continue. Le ton descriptif introduit une distance là où l’on aurait voulu participer : ainsi, nombre de tours de magie sont décrits mais non montrés, parlant à l’intellect et non à l’émotion du lecteur. Le mystère, si tant est qu’il y en ait vraiment un, est résolu dans les dernières pages mais éventé dès la page 35, pour peu que l’on ait été un tant soit peu attentif. Enfin, le roman se termine parce qu’il faut bien une fin, mais sans proposer de véritable achèvement, laissant en plan nombre d’intrigues, et pas forcément secondaires.

Reste le style de Lisa Goldstein, toujours agréable et à nouveau servi par une belle traduction de Patrick Marcel. C’est insuffisant au vu de la qualité démontrée dans Sombres cités souterraines, donc non pas en fonction de critères extérieurs à l’œuvre, mais selon ceux établis par la romancière elle-même.

Xavier MAUMÉJEAN

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