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Les critiques de Bifrost

L'Origine des Victoires

L'Origine des Victoires

Ugo BELLAGAMBA
MÉMOIRES MILLÉNAIRES
200pp - 15,00 €

Bifrost n° 72

Critique parue en octobre 2013 dans Bifrost n° 72

Natacha, Euphoria, Patrizia, Gloria, Egéria, Nadia, Oruah et Coppélia 31. Toutes des femmes. Toutes des Victoires. Leur but, leur mission à travers les âges : lutter contre l’ennemi puissant et sans pitié de l’Humanité, l’Orvet. Par leur seule volonté, leur savoir transmis de génération en génération, elles sont l’unique rempart entre les humains et cet être cosmique avide de douleur et de souffrances. Malgré leur fragilité.

Le récit débute en 1973 à Marseille. Une jeune fille, Natacha, va brutalement apprendre sa condition de gardienne ; sa mère lui transmet le flambeau avant de mourir sous les coups des victimes de l’Orvet. Capable de percevoir les pulsions les plus secrètes, les plus malsaines, de tous les hommes (mais pas des femmes), et de les amplifier, l’Orvet transforme de simples passants en brutes sanguinaires. Ainsi pérît une Victoire, aussitôt remplacée par sa fille. Car, autant le dire d’emblée, on est loin des grandes sagas pleines d’écoles de sorciers ou autres défenseurs du Bien contre le Mal. Pas de superproduction hollywoodienne ici, l’ambition de l’ouvrage est ailleurs. Plus qu’un roman, Ugo Bellagamba propose avec L’Origine des Victoires une série de portraits fins et touchants liés par une trame commune, mais aussi un motif : l’acceptation de sa destinée. Au nom d’une idée, de la défense des autres et de l’humanité. Ces quelques femmes prennent vie en une poignée de lignes, em-plies de doutes et, parfois, d’incompréhension devant ce qui les attend. Les Victoires sont, en effet, étonnamment seules, incroyablement peu armées contre leur ennemi. Tout juste possèdent-elles la connaissance, le savoir de leur invulnérabilité mentale à la tentation induite par l’Orvet. Pour la plupart d’entre elles, il ne reste donc qu’une énorme force de conviction et, surtout, la séduction pour guider les hommes, les éloigner de l’influence maligne de l’Orvet. Même si la violence n’est pas totalement exclue, comme le montre bien la jeune Nadia. Mais toutes ont en commun un courage sans faille, qui les entraîne le plus souvent vers le sacrifice ultime.

Grand atout de ce livre, l’écriture, riche et en même temps fluide, coule comme une évidence. Les points de vue varient : on est tantôt dans l’esprit de Natacha ou d’une autre Victoire, tantôt dans celui, perfide, de l’Orvet. Et ainsi comprend-on, progressivement, les tenants et aboutissants de cette lutte millénaire sans merci. Erudit et curieux d’histoire, Ugo Bellagamba conduit son lecteur à travers les âges avec gourmandise. Pas de pages grandiloquentes ou plombées d’une surcharge de références absconses. Mais une culture solide de l’écrivain, qui permet au lecteur de se glisser sans même y penser dans des habits anciens. Le récit commence au XXe siècle avant de remonter le temps en quête de la première Victoire, loin, très loin dans notre passé. Où l’on rencontre, en chemin, Gustave Eiffel, victime bien involontaire de l’Orvet. Mais aussi, au XIIIe siècle, un Thomas d’Aquin bien surprenant. Et Octavien, futur premier Empereur de Rome, lors d’une halte sensuelle.

Il ne faut pas hésiter à découvrir cet hymne à la femme, à son courage, à sa force. Ce roman simple et beau à la fois. Tout simplement.

Raphaël GAUDIN

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