Laurence SUHNER
L'ATALANTE
464pp - 24,50 €
Critique parue en avril 2014 dans Bifrost n° 74
Petite piqûre de rappel. Sur Gemma, planète où règne un froid glacial, des hommes ont découvert les vestiges mystérieux d’une civilisation dont on ne sait rien. Le Grand Arc plane dans le ciel, menaçant ; des ruines indéchiffrables sont protégées par des tonnes de glace. Une équipe de scientifiques tente d’en découvrir un peu plus. À leur tête Ambre Pasquier, une belle jeune femme aux rêves troublants. Mais des intérêts financiers et politiques vont compliquer les recherches…
Vestiges, le premier tome de la trilogie « QuanTika », s’est achevé dans le désordre le plus total : une cuve a explosé, tuant plusieurs chercheurs et soldats, dévorant Ambre et un de ses collègues. C’est là que commence L’Ouvreur des chemins. Les dégâts sont importants et l’anarchie règne. La priorité de chacun est de sauver sa peau, de quitter ce souterrain où la terreur se mêle à l’horreur. Les militaires tentent de fuir dans un semblant d’ordre, les scientifiques d’échapper à leur emprise. De son côté, Ambre, qui a survécu (surprise !), voit son sort définitivement lié à celui de Tokalinan, cet extraterrestre qui la trouble tant. Vont-ils parvenir à se comprendre et à lutter contre les suites de l’explosion, un phénomène qui menace la planète elle-même ? Les rebelles doivent abandonner leur base. Les populations tentent de fuir. Mais comment faire quitter la planète à des centaines de milliers de personnes avant qu’il ne soit trop tard ? D’autant que, dans les situations de crise, la solidarité n’est pas la vertu la plus répandue…
Si Vestiges démarrait avec une certaine lenteur, L’Ouvreur des chemins plonge le lecteur au cœur de l’action dès les premières pages. On est en plein scénario catastrophe, avec des effets spéciaux aux dimensions planétaires. Les êtres comme les choses sont projetés dans un maelström dont ils ne sortiront pas intacts. Les bouleversements se succèdent, les retournements se multiplient, exacerbant les passions humaines et extrahumaines. Même les chapitres en italiques qui ouvrent les trois parties du roman et où l’on découvre progressivement la jeunesse d’Ambre et les raisons de son mal-être profond témoignent d’une certaine urgence.
Seules pauses, seuls moments de respiration, les tête-à-tête entre Ambre et Tokalinan. Mais une respiration haletante, saccadée tant la tension érotique est forte entre eux. Ce sont d’ailleurs les véritables scènes pivots du roman : ce couple étrange et pourtant évident cristallise le réel enjeu narratif du roman. Leur compréhension mutuelle semble la clef de tout, la solution. De leur dialogue maladroit dépend le sort de chacun. Jusqu’au Grand Arc, ce gigantesque vaisseau qui veille sur Gemma depuis douze mille ans…
Laurence Suhner ne déçoit pas dans ce deuxième tome. Au contraire, elle confirme la force de sa trilogie, sa puissance narrative et la profondeur de ses personnages. Autant dire qu’on attend déjà de pied ferme l’ultime volet de cette saga de pure SF.