A la fin des années soixante-dix, John Shirley écrivait, et chantait dans un groupe de punk qui jouait à l’occasion dans les conventions de SF. Quand William Gibson et Bruce Sterling ont lancé le cyberpunk, il s’y est retrouvé naturellement. Plus tard, à la fin des années quatre-vingt-dix, il a écrit les textes de nombreuses chansons pour un de ses anciens groupes fétiches, le Blue Öyster Cult, reformé le temps de deux albums…
Quand sort La Balade de City, l’idée n’est pas inédite, mais encore inhabituelle : une ville, par l’ensemble des réseaux, d’eau, d’énergie, de téléphone, constitue une sorte de système nerveux, et peut acquérir une conscience. Et la ville est le biotope du rock. Celle qui intéresse Shirley, « City », c’est San Francisco, qui se manifeste sous forme d’un gaillard taciturne et inquiétant, affublé de verres-miroirs. Il lui faut des humains pour l’aider : ce sera la musicienne Catz Wailen, star montante de l’angst rock, et Stu Cole, propriétaire d’un club rock et connaissance de Catz. Stu et City ont un objectif commun : lutter contre les banques qui veulent mettre l’économie en coupe réglée en imposant leur monopole sur les moyens de paiement électroniques, les seuls qui soient désormais légaux…
Il y a pas mal de violence dans ce livre, plusieurs descriptions bien faites de concerts de rock comme décor de l’action, et un travail de précurseur du cyberpunk (de façon intéressante, le livre était vendu comme du fantastique et non comme de la SF lors de sa sortie). L’action est située en 1991, et si le développement des réseaux informatiques n’y est pas prévu, ou du moins pas de la façon dont il s’est produit, on y trouve de bonnes idées, comme la disparition de la presse papier au profit de versions électroniques disponibles contre paiement dans… les cabines téléphoniques. Matériel démodé, concept toujours moderne. Les protagonistes, eux, représentent une sorte de refus individualiste du monde technocapitaliste. Et le roman, bref et intense, est prenant.