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Les critiques de Bifrost

La belle sauvage

La belle sauvage

Philip PULLMAN
GALLIMARD
22,00 €

Bifrost n° 89

Critique parue en janvier 2018 dans Bifrost n° 89

Enfin ! Après presque dix ans, Philip Pullman revient visiter l’univers qui l’a fait connaître du monde entier. Il nous y avait laissés avec Il était une fois dans le Nord en 2008. Après le film (à reléguer dans une grotte scellée pour l’éternité, et à oublier, sans un regard) inspiré de très loin par le premier tome, après l’adaptation en BD (réussie) de Clément Oubrerie et Stéphane Melchior, après l’annonce du développement d’une série par la BBC, voilà un livre qui fait parler de lui depuis la confirmation de sa parution à venir il y a quelques mois à peine. Pour ceux qui ont grandi (et vieilli) avec le chef-d’œuvre de la littérature qu’est sa première trilogie « À la croisée des mondes », l’impatience était fébrile, les doutes et questions de taille… L’histoire serait-elle à la hauteur ? L’auteur saurait-il de nouveau trouver son originalité si marquante ? Pourrait-il nous surprendre, nous, lecteurs exigeants du premier triptyque ? Parviendrait-il à ne pas tomber dans l’exploitation commerciale d’un sujet désormais exploré ? La réponse est oui, sans hésitation aucune. Pour ceux qui n’ont pas lus les livres précédents, le récit de ce premier tome d’une nouvelle trilogie est une parfaite entrée en matière, l’histoire précédant d’une dizaine d’années les événements débutant dans Les Royaumes du Nord. Pour les autres, lecteurs de la première heure, bienvenue à la maison !

Philip Pullman, véritable joueur de flûte d’Oxford, réussit encore une fois à nous entraîner, hypnotisés par son talent presque magique, dans cette Angleterre parallèle pour mieux nous y perdre. La plume si élégante, si juste, comme toujours, nous balade sur l’eau qui a envahi le pays, et navigue d’Oxford jusqu’à Londres au gré de l’aventure, de péripéties en découvertes, à travers Albion méconnaissable et pourtant si familière.

La Belle sauvage est le nom du canot qui abrite Lyra, une enfant âgée de quelques mois à peine, et Alice et Malcom, ces protecteurs adolescents désignés (presque) par hasard, par le destin, ou par des forces plus puissantes. À leur poursuite, des autorités gouvernementales et religieuses, des rebelles et des universitaires, dont la lutte sans pitié dessine déjà les combats idéologiques et humains qui auront lieu une dizaine d’années plus tard.

Les niveaux de lectures sont multiples, offrant aussi bien au lecteur enfant la simplicité d’un récit initiatique sur la rivière débordante d’activités, qu’au lecteur adulte la complexité d’une réflexion scientifique, philosophique et théologique. Dans cette nature déchainée, on s’amuse, on frémit, on rit, on pleure, on réfléchit, et surtout, surtout, on rêve. Deux impressions persistent, la dernière page tournée : bonheur et impatience. Bonheur d’une promesse ancienne tenue, et impatience, encore une fois, d’en lire plus, et de replonger, bientôt, à la poursuite de cette Poussière.

Maëlle ALAN

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