Raoul de Warren a l'art de maintenir un suspense constant, de mener le lecteur de surprise en surprise sans temps mort, non pas à l'aide de rebondissements dans l'action mais bien dans l'élucidation de l'intrigue ! Qu'on juge : un jeune homme, Philippe Lormel, venu voir un ami, atterrit chez son voisin de palier, Robert Noir, qui l'informe qu'il l'a attiré ici car il est hanté par des cauchemars qu'il compte lui inoculer ! Effectivement, Lormel rêve ensuite d'une jeune femme crucifiée sur un bateau en flammes. Charles de Mordigné, un jeune passionné de mystères, enquête pour lui et apprend qu'au fil des siècles, cinq navires nommés La bête de l'Apocalypse ont coulé au large de Cadix ! Ce nom est aussi le titre d'un film inachevé illustrant l'Apocalypse de Saint Jean, qui n'aurait été tourné que pour permettre à la secte des Chevaliers du même nom de sacrifier une femme afin de mettre fin au règne de la Bête et hâter l'avènement de la troisième période de l'Apocalypse, qui promet mille ans de bonheur avant la convulsion finale. Plus surprenant encore : les cauchemars de Philippe représentent une scène jouée par l'actrice du film. Au fur et à mesure que l'enquête progresse, des cadavres jonchent la route de Charles de Mordigné, vite accusé de meurtre et qui d'ailleurs en vient à conclure avec d'autres qu'il est le coupable, victime d'un dédoublement de personnalité !
Raoul De Warren, considéré comme le Gustave Meyrink français, ne craint pas d'abuser, en grand maître de la littérature populaire, de coïncidences et de hasards formidables, de dédoublements de la personnalité et même de filiations cachées ou ignorées ! Ce grand numéro d'équilibriste est peaufiné par l'agilité avec laquelle il manipule les chiffres pour faire coïncider les nombres ésotériques (666, 888) avec les événements de l'Histoire. La seconde guerre mondiale devient ainsi la trace tangible du règne de la Bête sur Terre.
Récit Fantastique, policier, d'espionnage, d'occultisme ? La bête de l'Apocalypse est tout cela à la fois et bien davantage. De la grande littérature populaire, vraiment !