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Les critiques de Bifrost

La Bête qui criait amour au coeur du monde

Harlan ELLISON
Les HUMANOIDES ASSOCIÉS

Critique parue en janvier 2025 dans Bifrost n° 117

Troisième recueil consacré à Harlan Ellison par Les Humanoï­des Associés, La Bête qui criait amour rassemble quinze nou­velles allant de 1967 à 1969 et qui, sur tous les tons, examinent la place de la violence au cœur  de  l’humanité  et  ses re­lations  avec  le  sentiment amoureux, ou le fait d’être en vie ou pas. Toutes les nouvelles du recueil ont un certain charme, même si d’aucunes, comme « Papa Noël contre S.P.I.D.E.R. », sont da­tées et/ou obscures pour le lecteur européen du xxie siècle. En effet, cette nouvelle est à la fois une parodie des films d’espionnage (en particulier ceux de James Bond période Sean Connery, et partiellement période Roger Moore) où le Père Noël est un agent secret luttant contre une invasion extraterrestre manipulant les pires réactionnaires Républicains de l’époque d’écriture (donc, avant que le Reagan de l’histoire ne devienne président des USA). D’autres sont dans le même style assez vif et comique, comme « Sur la route panoramique », qui décrit un duel à mort entre deux automobilistes surarmés et ses conséquences… Ou, plus onirique, comme « Le Dormeur aux mains calmes », où des militaires télépathes s’affrontent pour faire renaître la guerre dans un monde paisible, mais stagnant intellectuellement.

Attention, si vous vous attendez à avoir une pause joyeuse ou même une vague lueur d’espoir au long de ces presque 300 pages : oubliez ! Nous sommes chez Harlan Ellison, tout de même ! Au mieux, il vous fera rire très jaune ; au pire, vous donnera envie d’avaler les antidépresseurs de votre choix, de vous barricader chez vous et de vous blottir dans votre lit jusqu’à la fin des temps. Et pourtant ? Vous en redemanderez encore et lirez jusqu’au bout ce livre. Et tant mieux, car il con­tient en ouverture « La Bête qui criait amour au cœur du monde », et en fermeture « Un gars et son chien », deux pépites qui sont parmi les tous meilleurs textes écrits par Harlan Ellison (avec « Je n’ai pas de bouche et il faut que je crie », non présent dans cet ouvrage). Très som­bres, très violentes, aucune des deux ne laisse la moindre chance à l’humanité, ni non plus au reste des espèces sentientes. Et pourtant, ce sont deux exercices de style brillants (la première par la forme circulaire de sa narration, la seconde par ses « euphémismes » et sa chute) qui resteront longtemps dans vos es­prits. Bonne lecture, si vous l’osez !

 

 

 

 

Stéphanie CHAPTAL

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