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Les critiques de Bifrost

La Chasse Sauvage du colonel Rels

La Chasse Sauvage du colonel Rels

Armand CABASSON
ACTUSF
216pp - 14,00 €

Bifrost n° 73

Critique parue en janvier 2014 dans Bifrost n° 73

Quand il n’écrit pas de romans historiques (la série napoléonienne mettant en scène l’enquêteur Quentin Margont, chez 10/18, pour citer son œuvre la plus connue), Armand Cabasson écrit aussi parfois du fantastique. Son dernier recueil en date, La Chasse sauvage du colonel Rels, tente de concilier ces deux tendances… et aboutit à un résultat pour le moins mitigé.

« 1348 », la nouvelle qui ouvre ce recueil, donne le ton. Dans une Londres ravagée par la peste, lord Gitt, condamné par l’Eglise et emprisonné pour ses mœurs impies, se révèle être le dernier espoir de la couronne face à la créature monstrueuse incarnant le mal qui ronge la cité. Entre reconstitution historique réaliste et pure fantasy, l’auteur parvient à donner une tonalité originale à son récit, malgré une intrigue trop linéaire et une chute particulièrement abrupte.

Armand Cabasson enchaine ensuite avec une série de textes très (trop) similaires. « La Chasse sauvage du colonel Rels » conte les méfaits d’un commando confédéré derrière les lignes ennemies durant la Guerre de Sécession. « L’Héritage » nous plonge au cœur d’un conflit situé dans le Japon féodal, et « Le Dieu-Loup » voit s’affronter Vikings et Anglo-Saxons. Les batailles succèdent aux batailles, et l’ennui s’installe très vite, d’autant plus vite que l’auteur ne parvient que trop rarement à nous faire vivre ces combats, se contentant le plus souvent de comptes-rendus aussi factuels que ternes : on observe à distance les mouvements des troupes, on assiste de manière détachée aux attaques et aux contre-attaques, mais tout cela, à quelques passages près, manque cruellement de bruit et de fureur. Quant au fantastique, il est le plus souvent anecdotique et n’intervient que dans les derniers paragraphes de ces récits.

À mi-parcours, « Giacomo Mandeli » vient enfin rompre cette monotonie. L’histoire est celle d’un peintre italien à qui l’Inquisition espagnole confie une tâche pour le moins singulière : faire le portrait du Diable. L’idée est jolie et adroitement traitée, le dénouement à la hauteur, et l’on tient enfin le premier bon texte du recueil. Et tout de suite après, les combats reprennent : retour au Japon des samouraïs (« Les Chuchotements de la Lune »), à l’Europe médiévale (« Saint Basile le Victorieux ») et à la Guerre de Sécession (« Le Minotaure de Fort Bull »). Et toujours les mêmes interminables et mornes descriptions de batailles. Noyées dans ces reconstitutions guerrières, on trouve parfois de bonnes idées (la manière dont les reliques de Saint Basile vont unir le peuple autour de son souverain avant de causer sa perte, le mythe de Thésée revisité dans un cadre moderne). On trouve même quelques personnages intéressants, souvent solitaires, en marge des normes de leur époque, qu’il s’agisse de lord Gitt, libertin avant l’heure, ou de Knut, le guerrier viking rejeté par les siens après s’être sacrifié pour eux. Mais pris dans le flot des évènements, ils manquent de place pour exister pleinement.

Il faut attendre les dernières pages du recueil pour trouver enfin un second texte tout à fait réussi, en rupture totale avec tout ce qui a précédé. « Les Mange-Sommeil » est l’histoire d’un double deuil, celui d’une petite fille dont le frère est mort et celui d’un lutin qui a perdu sa sœur. Ensemble, ces deux âmes en peine vont tenter de se consoler. Cette nouvelle relève d’un fantastique on ne peut plus classique, mais en quelques pages, Armand Cabasson parvient à y faire naître une émotion qui manque cruellement au reste de ce livre. Ce qui, au final, ne fait qu’accentuer le sentiment de déception que l’on ressent au sortir de cette lecture.

Philippe BOULIER

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