Arthur C. CLARKE, Gilles GOULLET
FOLIO
352pp - 9,40 €
Critique parue en avril 2021 dans Bifrost n° 102
Sorti en VO en 1956, La Cité et les astres est une version étendue et révisée du premier roman de Clarke, Against the Fall of Night, publié en 1953 et qui était déjà lui-même une version allongée et retravaillée d’une novella parue dans Startling Stories en 1948. Le but de cette ultime version était de montrer les progrès accomplis par Clarke dans l’art de l’écriture. Raté ! S’inscrivant dans le registre de SF de la Terre Mourante, comme certaines œuvres de Vance ou de Moorcock (entre autres), ce roman nous projette plus d’un milliard d’années dans le futur. L’Homme a jadis conquis les étoiles, avant d’en être chassé par de mystérieux extraterrestres et d’être confiné sur son monde d’origine, où les effets des éons ont arasé les montagnes et évaporé les océans. Ne reste plus qu’une seule cité, Diaspar, capable de s’auto-réparer en permanence et donc libérée de la tyrannie du Temps… tout comme ses dix millions d’habitants, stockés dans des mémoires informatiques inaltérables et qui ne sont incarnés, par petits contingents, que toutes les quelques dizaines de millénaires. Mais parfois un Unique apparaît, quelqu’un qui n’a jamais vécu avant, qui n’est pas soumis à la compulsion de rester au sein des limites de Diaspar. Quelqu’un qui se pose des questions, notamment sur le fait que l’Histoire de sa race est quasiment oubliée. Quelqu’un chez qui ni la curiosité, ni l’ambition, qui étaient jadis le propre de l’Homme, ne semblent avoir été excisées. Le jeune Alvin est l’un d’eux.
On pourrait faire, en moins sévère (quoique…) la même remarque pour ce roman que pour le plus tardif Marteau de Dieu : le texte original fonctionnait correctement, sa version allongée bien moins. On voit vite où Arthur C. Clarke veut nous conduire, et si ses réflexions sont souvent pertinentes (sur un hyper-conservatisme qui fossilise une société, sur l’ouverture nécessaire aux autres cultures et sur l’extérieur en général, sur la manipulation du récit historique, l’élan salvateur de la jeunesse, l’importance du non-conformisme, etc.), elles auraient surtout pu rester, condensées, dans un récit plus court. Au bout d’un moment, l’auteur tourne en rond, ne surprend plus, et le ton dépassionné de l’ensemble peine à captiver. Sans oublier un suspect parfum asimovien qui plane sur un nombre non-négligeable d’éléments de construction tant du monde que de l’intrigue… On met parfois La Cité et les astres sur le même plan que les chefs-d’œuvre de Clarke, les 2001 : l’Odyssée de l’espace et autres Rendez-vous avec Rama : à tort. Ce roman d’apprentissage, qui ne séduira ou ne surprendra qu’un débutant ou un nostalgique de la SF de l’âge d’or, est somme toute mineur et indigne d’être placé sur un tel piédestal.