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Les critiques de Bifrost

Critique parue en janvier 2018 dans Bifrost n° 89

Quatre voix. Quatre récits. Un labyrinthe d’interprétations. Voici ce que semble proposer le premier roman de Nina Allan. Proche (trop proche ?) des recueils de nouvelles déjà publiés au sein de la même maison d’édition, le livre se dévoile en fragments où la science-fiction n’est qu’un frôlement, à peine perceptible, un léger dépaysement fait d’infimes dissonances. Les destins de ces quatre voix se croisent et se rencontrent parfois, et pourtant, se tiennent si éloignés les uns des autres…

La première partie s’intéresse à Jenna, la sœur d’un éleveur de smartdogs — des lévriers de course génétiquement améliorés pour communiquer avec des humains devenus télépathes (merci les implants bioniques). La narratrice revient sur un épisode de son passé, l’enlèvement de sa nièce douée d’un talent surnaturel pour la communication inter-espèces. Le deuxième texte s’attache au parcours de Christy, qui, s’affranchissant peu à peu de l’emprise de son frère et d’une histoire familiale difficile qu’elle nous raconte, devient écrivain. Le troisième parle d’Alex, journaliste d’origine africaine s’interrogeant sur le racisme auquel il est confronté quotidiennement, et qui s’apprête à rencontrer Christy, des années après le récit de celle-ci. Le dernier chapitre, enfin, suit Maree, une empathe naturelle (oui, il s’agit bien de la nièce devenue adulte) lors de son voyage de l’Angleterre vers la Thalie, une contrée du sud, à travers un océan habité de baleines géantes et parfois hostiles, troupeaux mystérieux et comme étrangers à la planète. Et enfin, en bonus, une annexe, ajoutée à la réédition anglaise, une nouvelle écrite par Christy retraçant une période de la vie de Maree, et ses recherches géographiques et linguistiques autour d’un message indéchiffrable venu d’ailleurs (tréfonds de l’espace ou autre dimension, le doute subsiste).

Pas vraiment un roman au sens classique du terme, pas un recueil de nouvelles non plus, ce livre ressemble davantage à une transition entre la forme courte, chère à l’auteure, et les premiers balbutiements experts vers l’appropriation d’une forme longue. Cet ensemble hétéroclite est cousu d’un fil parfois trop ténu, parfois trop épais, tendu entre les quatre (plus une) parties, tissé de références infimes, de détails aperçus au détour d’une phrase, d’impressions fugitives d’une étrangeté familière. Cela peut être déconcertant, paraître disparate, voire même manqué, mais s’avère au final plus fin que ce qu’on pouvait en penser à la première lecture.

Maëlle ALAN

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