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Les critiques de Bifrost

Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104

Stanislas Lem est un auteur aimant l’humour et l’ironie. Il connaît également ses classiques et aime beaucoup les contes philosophiques tels que pouvaient les écrire Rabelais, Montesquieu ou Voltaire. La preuve ? La Cybériade, recueil de quatorze nouvelles de taille variable. Toutes mettent en scène Trurl, souvent accompagné de son confrère, ami et rival, Clapaucius. L’un et l’autre sont des constructeurs de machines plus étranges les unes que les autres. Et avec à chaque fois une bonne leçon de morale qui peut leur être infligée ou réservée à leurs clients indélicats. Comme nous sommes dans un livre de science-fiction, au moins dans la forme (dans le fond, la science y est très farfelue), les différents personnages sont eux-mêmes des robots ou des machines même s’ils se comportent parfois comme des êtres de chair et de sang.

Au fil des nouvelles, Lem va en profiter pour raconter les travers de ses concitoyens, mais également en filigrane ceux de la société dans laquelle il vit, à savoir la Pologne des années 60, sous la coupe de l’URSS et d’un communisme autoritaire. Il choisit pour ce faire d’utiliser tous les registres possibles de l’humour : de l’absurde aux jeux de mots en cascade en passant par le comique de situation, mais jamais le graveleux. La conception même des machines (dont un lance-bébés !), les problèmes à résoudre et même la description de l’univers (avec une population d’un État entier tenant dans une boîte à chaussures) relèvent du loufoque, et c’est ce qui fait une grande partie de la séduction de ces textes. Admirons au passage le travail de Dominique Sila, qui, dès la première nouvelle, a dû se livrer à des contorsions linguistiques pour restituer la saveur du texte original en restant compréhensible.

En revanche, gare à l’indigestion, mieux vaut picorer dans cette Cybériade plutôt que la dévorer d’une traite. Elle est peut être savoureuse, mais les aventures de Trurl et Clapaucius finissent par écœurer à être consommées d’un coup, et par barbouiller le lecteur au point qu’il ne se souviendra plus des différents événements et mélangera les noms et les péripéties, comme une Forêt noire trop riche et trop sucrée.

Stéphanie CHAPTAL

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