Pour ce quatrième roman, Romain Benassaya signe un space opera s’inscrivant pleinement dans les codes du genre tel qu’il a été redéfini par la nouvelle vague de la science-fiction. Les lecteurs de Pyramides (cf. critique in Bifrost 90) y retrouveront le même univers sans toutefois qu’il soit nécessaire d’avoir lu ce dernier pour apprécier cette nouvelle histoire ; quelques renvois et la présence de certains éléments tirés de ce précédent opus devraient suffire à piquer la curiosité des retardataires. On apprécie en outre que l’auteur ait renoncé à certaines normes encore surreprésentées dans l’Imaginaire concernant ses protagonistes, que ce soit en termes d’âge, de sexe ou de relations amoureuses, contribuant à une diversité dont il a grand besoin.
Deux parcours s’offrent au lecteur : d’une part celui de Keiji Cairo, un père de famille tentant de fuir la misère en s’installant sur Vénus, et d’autre part celui de Shory, une enfant sumérienne qui se voit confier la mission de protéger un lieu dont elle ignore tout. L’auteur parvient, dès les premières pages, à installer un solide sense of wonder par l’anachronisme radical qui semble séparer les deux protagonistes, dont on devine bien sûr qu’ils seront amenés à se rencontrer. Leurs mondes respectifs présentent par ailleurs des aspects suffisamment intrigants pour maintenir la curiosité en éveil – un soin qui se révèlera salutaire par la suite.
En effet, plus axé sur le parcours de Shory que sur celui de Keiji, le récit accuse en cours de route certaines longueurs rendues pénibles par le comportement parfois exaspérant et manifestement erratique de certains personnages. Il faudra patienter longtemps pour en comprendre les tenants et aboutissants, le temps de dérouler une trame qui se veut trop insistante sur certains traits de caractère. Le style de l’auteur, aussi sobre que descriptif, redondant par moments, n’aide hélas pas à tromper cette attente. C’est donc beaucoup plus tard que l’histoire, qui a perdu trop de temps à installer une dynamique particulière entre les différents tempéraments, reprend son souffle et parvient tout juste à rattraper son lecteur. La patience de ce dernier, s’il est parvenu jusque-là, en est toutefois récompensée : Romain Benassaya finit par assembler les pièces d’un puzzle complexe qui s’avère en fin de compte assez fascinant. Si tout semble s’emballer au cours de la dernière centaine de pages, l’auteur parvient à garder un rythme cohérent et intelligible jusqu’au point final. Quant aux questions restées en suspens, il faudra compléter cette lecture par celle de Pyramides… ou attendre un prochain livre.