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              L'ATALANTE
               480pp                -                24,50 €             
Critique parue en juillet 2025 dans Bifrost n° 119
Philippe Battaglia, auteur suisse de son état, a une biographie autrement plus luxuriante que sa coupe de cheveux (allez voir son site web, vous comprendrez). Elle explique néanmoins le joyeux foutoir chrétien qui sera dépeint ci-dessous.
Judée, il y a 2000 ans. Jésus et Judas s’aiment en cachette… mais que peut-on cacher au Seigneur tout puissant ? Que dalle. Malgré tout, Judas trahit, Jésus se fait la malle dieu-sait-où et laisse derrière lui des apôtres chargés de répandre la bonne parole. Des apôtres plutôt bien équipés : ils sont immortels et peuvent, comme leur maître, accomplir des miracles.
Rome, de nos jours. Judas tient une sale déprime depuis deux millénaires, et, chaque soir, tente de se buter. Sans succès. C’est sa punition pour avoir aimé. Un jour, voilà que fait surface un artefact mystérieux susceptible de remettre en question absolument toute l’histoire de l’humanité, mais surtout l’exil et la séparation de Judas et Jésus. Philippe Battaglia s’ingénie donc à réécrire la Bible en mode 2.0, queer, punk et pulp. C’est dit en quatrième de couverture : « Après tout, la Bible, c’est de la pop-culture. » Ainsi soit-il, ma poule.
Le récit se structure autour de la quête que Judas doit mener pour retrouver son amour, à savoir réunir les trente deniers qu’on lui a versés pour sa trahison. Pour ce faire, il sera aidé de Thomas, dit l’Incrédule, qui, après 2000 ans passés à douter, est devenu un scientifique génial, d’une Marie Madeleine reine des maquerelles et protectrice des femmes, ou encore d’un Lazare totalement parano et hypocondriaque. À leurs trousses : les cathos rigoristes et timbrés de Pierre dit le Mégalo, qui, tout immortel qu’il est, n’a jamais lâché son trône, des apôtres martyrs rendus fous par leur supplice et qui constituent un commando de tueur sadomasos. Les casses et les bastons à coup de miracles s’enchaînent à 2000 (après JC) à l’heure (de la prière), ça ressuscite et ça fait pleuvoir des sauterelles plus vite qu’on a le temps de dire amen. Le ton est rigolard et fait souvent penser aux accents grand-guignolesques que l’on peut trouver dans « Le Rêve du démiurge » de Francis Berthelot. La comparaison pourrait s’arrêter là, mais le mélange de culture classique et la légèreté ambiante nous rappellent encore ce bon vieux Francis. D’ailleurs, pour réécrire ainsi la Bible, l’ami Philippe a bien dû se la farcir. Entre les flashbacks et les histoires enchâssées, La Dernière Tentation de Judas est un récit à tiroirs façon Mary Poppins rempli de poudres en tout genre. Ça ne s’arrête pas pendant 500 pages et il faut bien s’accrocher pour ne rien oublier de la sainte galerie en parade. Si vous êtes sédévacantiste et que vous lisez ces lignes, c’est que vous êtes sur le chemin de la guérison. Lisez Battaglia et tout ira pour le mieux : soit vous faites un AVC, soit vous foncez vous acheter un harnais en cuir.
Pierre CONSTANTIN