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Les critiques de Bifrost

La Fée, la pie et le printemps

Elisabeth EBORY
ACTUSF
432pp - 19,00 €

Critique parue en janvier 2018 dans Bifrost n° 89

Angleterre, milieu du XIXe siècle. La porte entre les mondes humain et féérique n’est plus gardée. Les fées sont de retour sous le soleil. À peine enfuie de sa prison de brume, la revancharde Rêvage compte bien remettre au pouvoir ceux de son espèce, ce qui implique la mise en coupe réglée de tous les mortels. Qu’à cela ne tienne : un peu de magie, un stratagème à base de changelin, et voilà le trône d’Angleterre qui vacille. Mais une bande d’aigrefins, presque à son corps défendant, va venir contrecarrer ce beau et louable projet…

Tout le monde sait que nous sommes plutôt bienveillants, à Bifrost, surtout avec les jeunes auteurs et à l’occasion des toutes premières fois… Alors, il faut croire que ce roman joue de malchance. On aimerait l’aimer (si je puis dire), on souhaiterait adhérer au propos de l’auteure, s’émouvoir ou jubiler avec elle. Et puis, il ne se passe rien. On tourne les pages, constatant que certains passages sonnent justes, qu’ils contribuent à créer une jolie atmosphère victorienne, mais au final on est obligé de se rendre à l’évidence : ça ne marche pas.

À qui la faute ? À des protagonistes falots ? Au manque de profondeur du background ? À l’intrigue, à la fois convenue, téléguidée et sans ressort dramatique ? Au défaut de personnalité de la prose ? Le roman s’échine à laisser son lecteur à l’extérieur : dans un entre-deux sans contours ni couleurs, tout le contraire du programme annoncé par la couverture de la bédéaste Lucy Mazel.

Hélas, la bienveillance a ses limites…

En lisant Elisabeth Ebory, on ne peut s’empêcher de penser à John Crowley, à Léa Silhol (si si), combien plus convaincants quand il s’agit de décrire les paysages de la Féérie ou de mettre en scène la trouble profondeur des êtres issus du folklore et de la mythologie. Face à ces maîtres, Ebory a encore tout de l’élève appliqué et besogneux.

La Fée, la pie et le printemps n’est peut-être pas si mauvais ; après tout, il fait partie des cinq titres présentés aux jurés du Goncourt 2017 par un collectif d’éditeurs de l’Imaginaire. À moi, il a semblé juste banal et aussi attirant qu’une assiette de nouilles froides. On aimerait le détester. Toutefois, même cela, on n’y parvient pas.

Sam LERMITE

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