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Les critiques de Bifrost

La fille aux cheveux rouges

La fille aux cheveux rouges

Marie-Lorna VACONSIN
LA BELLE COLERE
384pp - 19,00 €

Bifrost n° 87

Critique parue en juillet 2017 dans Bifrost n° 87

Âgé de quinze ans, Pythagore Luchon vit dans la petite ville morne de Loiret-en-Retz, seul avec sa mère : son père, scientifique de renom et spécialiste de physique quantique, est plongé dans le coma depuis trois ans après un vol à l’arrachée qui a mal tourné. Pythagore entame sa classe de seconde mais rien ne va : il a loupé sa rentrée à cause d’une gastroentérite et pendant son absence, sa meilleure amie, Louise Markarian, s’est entichée d’une « nouvelle », Foresta Erivan, la fille aux cheveux rouges. Finie leur belle complicité : Louise n’en a que pour l’intrigante Foresta qui semble l’entraîner dans une vie plus trépidante que celle qu’on peut espérer à Loiret-en-Retz… Jusqu’au jour où Foresta vient trouver Pythagore pour lui dire que Louise a disparu dans un univers parallèle dont elle-même est issue, univers qu’il est possible de rejoindre grâce à un subtil breuvage tiré d’oranges bleues tout en croisant les reflets de miroirs ou de fenêtres. Pythagore se retrouve alors mêlé à la vie des jeunes gens « de l’autre côté du miroir », des Géographes, dans un monde violent qui menace de s’écrouler dans la guerre…

Voilà plusieurs semaines que l’éditeur tente de construire autour de ce premier tome d’une trilogie intitulée « Le Projet Starpoint » l’aura de mystère censée entourer toute œuvre qui bousculera un peu le lecteur assoupi, plus précisément le « jeune adulte », comme on dit, puisque c’est lui qui est visé. Las, votre serviteur n’est ni l’un, ni l’autre, et il n’a pas senti passer le vent de la flèche qui aurait pu venir le frapper. Il est plutôt resté mollement fiché dans son fauteuil, se demandant s’il est nécessaire d’imposer à de vieux adolescents les souvenirs mornes des malaises de l’âge ingrat. Heureusement (?) qu’on ne s’en tient pas à cela et qu’en contrepoint, on trouve aussi dans ce roman le premier amour, le premier baiser, le groupe de rock-metal, le gentil punk à chiens, les substances doucement illicites, l’interro d’éco qu’on n’a pas eu le temps de réviser, le grand benêt de fils de bourgeois, arrogant et auréolé de ses succès auprès des filles, un peu mais pas trop superficielles quand elles sont belles – comme il se doit –, les premières soirées sous les étoiles, les grands un peu bêbêtes et portés sur la bouteille, les adultes empêtrés dans leur solitude, et surtout l’ado lambda, en la personne de Pythagore Luchon, coincé, par un nom dont on ne sait quoi penser, entre le mythe et la médiocrité, le héros et le mec moyen, un univers trépidant et un autre qui se refuse plus ou moins à lui, même si l’aventure, et on n’en doute pas dès le début, passera de l’un à l’autre. D’ailleurs, il n’est question que de passage, initiatique, d’un univers à l’autre, d’un âge à un autre, et d’épreuves tout aussi initiatiques, guerrières pour l’essentiel. Alors on pense à Philip Pullman, bien sûr, et il est même cité en quatrième de couverture. Mais le destin de ce livre sera tout autre : « À la croisée des mondes » fait partie de ces œuvres, comme « Le Seigneur des Anneaux » ou bien encore Watership Down de Richard Adams, qui, toutes écrites qu’elles soient pour un jeune public, entraînent derrière elles tous les âges, du plus tendre au plus affirmé, grâce à leur culture et leur capacité à nous émouvoir, à nous faire bouger. Ici, malgré les sauts incessants d’une réalité à une autre, rien ne bouge, tout est à sa place et c’est bien le problème.

Arnaud LAIMÉ

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