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Les critiques de Bifrost

La Fille dans le verre

Jeffrey FORD
DENOËL
352pp - 22,00 €

Critique parue en juillet 2007 dans Bifrost n° 47

Auteur rare (surtout en tant que romancier) et subtil (on se souvient de l'excellent Portrait de madame Charbuque), Jeffrey Ford signe ici un roman impeccable, drôle, distrayant, intelligent et attachant. Bien installé dans un fantastique (très) léger qui relève plus du prétexte que de la profession de foi, La Fille dans le verre est une jolie parabole sur l'apparence et se lit en quelques heures sans que jamais le lecteur n'ait vraiment envie d'aller se coucher. Vue par les yeux de Diego, jeune Mexicain sorti du ruisseau par Schell, sorte de magicien-charlatan-medium-marabout de génie, cette histoire abracadabrante se déroule le plus classiquement du monde en pleine dépression des années 30 aux Etats-Unis. Déclinaison imaginaire d'Oudini version politisée, Schell survole tranquillement la crise en dépouillant les riches crédules, certes, mais avec tact, élégance et beaucoup de sérieux. Secondé par Antony, véritable force de la nature (le genre qui tord les barres d'acier, tout de même) et Diego, ce Copperfield du pauvre dispense allègrement ses talents de manoirs en opulentes demeures, à grand renfort de magnésium, de tables tournantes, d'apparitions diverses, de ventriloquie et de gourous indiens. Cette lucrative activité change du tout au tout le jour où Schell aperçoit un vrai fantôme à travers une fenêtre. Une petite fille disparue, qui plus est. Disparition qui, comme dans tout roman à suspense qui se respecte, donne lieu à une enquête. Et une enquête beaucoup plus compliquée que prévue, hantée de ci de là par les fantômes eugénistes du décidément très rigolo Ku-Klux-Klan.

Servie par des personnages aussi fouillées qu'attachants (dont beaucoup sont de véritables figures historiques), une écriture fluide (traduction impeccable, au passage) et un second degré distancié permanent, La Fille dans le verre est l'archétype même du bon bouquin bien ficelé. Sans renouveler quoi que ce soit, Jeffrey Ford se contente de nous raconter une histoire, l'intelligence en plus. Quant à l'ambiance du livre, tout en nuances et en circonvolutions (d'événements comme de style), elle est tout simplement formidable. Laissez revenir le gamin qui sommeille en vous et dépêchez-vous de lire ce roman. Ça ne changera ni la face du monde, ni la littérature avec un « L », mais ça vous donnera beaucoup de bonheur… Qui s'en plaindrait ?

Patrick IMBERT

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