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Les critiques de Bifrost

La Fille de la voleuse de rêves

Michael MOORCOCK
L'ATALANTE
374pp - 20,00 €

Critique parue en septembre 2002 dans Bifrost n° HS1 : Les univers de Michael Moorcock

Ce quatrième récit1 issu de la lignée des von Bek eut tout autant pu être rattaché au cycle d'Elric le Nécromancien tant celui-ci y tient une place de premier plan à l'instar d'Ulric von Bek. C'est bien ce qu'ils sont d'ailleurs : des alter egos appartenant à différents plans du Multivers.

Ulric von Bek, descendant homonyme de celui qui conquit le Graal lors des événements contés dans Le Chien de guerre et la douleur du monde, vit également en des temps troublés. Il réside sur un plan du Multivers très proche du vôtre, lecteur, qui ne diffère guère que par l'existence de la principauté du Waldenstein et de sa capitale, Mirenbourg. Or, les années 30 du feu siècle furent quelque peu troublées du fait des menées d'un agressif petit moustachu natif d'Autriche.

Comme chacun sait, la clique d'Hitler comptait bon nombre de nostalgiques des mythologies et des légendes nordiques, celtes ou germaniques auxquels la réalité ne permettait pas de donner la pleine mesure de leur malveillance. Parmi eux, derrière Rudolph Hess, se tenait le prince Gaynor de Mirenbourg, cousin d'Ulric von Bek, campé dans le rôle d'avatar d'Yrkoon et de Frank Cornélius. Gaynor entend mettre la main sur Ravenbrand, l'épée runique — pendant de Stormbringer — au nom du Reich… mais surtout pour son propre compte.

Le nazisme se trouve n'être qu'un écho d'une attaque qui frappe plusieurs plan du Multivers. La cité des Off-moo, Mu Ooria dans les Mittelmarch, est assiégée par Gaynor. Jusqu'au havre de Tanelorn qui est menacé par la duchesse de la Loi, Miggéa. Or, la chute de Tanelorn pourrait signifier celle du Multivers entier. Elric, dépossédé de Stormbringer, ne peut plus se déplacer qu'en rêve, mais, avec l'aide d'Oona qui se révèle être sa fille, il parvient à aider von Bek. En compagnie du capitaine Bastable, et du prince Lobkowitz en provenance de l'univers de Jerry Cornélius, ils font évader Ulric d'un camp de concentration où Gaynor l'a fait interner. Ce faisant, Moorcock entrelace davantage les divers fils de son Multivers.

Outre la maître idée moorcockienne, récurrente dans toute son œuvre — du pire au meilleur — qui veut que tant l'ordre que le chaos soient, dans leurs absolus respectifs, maléfiques tandis que la notion de bien est concomitante d'un équilibre instable et constamment remis en question, La Fille de la voleuse de rêves ne vaut guère que par quelques réflexions acerbes sur le nazisme : régime brutal et sadique à l'idéologie simpliste qui, dans son souci d'imposer un ordre mortifère, n'engendre qu'un épouvantable chaos.

Ce n'est pas un grand Moorcock, juste une œuvre alimentaire plus aboutie que naguère, qui n'en ravira pas moins les fans d'Elric.

Note :

1. Outre les romans critiqués dans ce Guide de lecture (Le Chien de guerre, La Cité des étoiles d'automne) se rattache en effet à la série le très beau et très épuisé La maison de Rosenstrasse, paru dans une éphémère collection « Erotique », chez J'ai Lu. (N.d.l.R.)

Jean-Pierre LION

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