Catherynne M. VALENTE
BALIVERNES
252pp - 17,00 €
Critique parue en avril 2016 dans Bifrost n° 82
« Il était une fois une fille appelée Septembre qui en avait vraiment assez de la maison de ses parents, où chaque jour elle lavait les mêmes tasses à thé rose et jaune et les mêmes saucières assorties, dormait sur les mêmes coussins brodés, jouait avec le même petit chien affable. »
Et voilà Septembre emportée hors de son ennuyeux Nebraska natal par le Vent Vert, sur le dos d’un léopard volant, jusqu’en Féérie. Elle va y vivre des aventures extraordinaires, se lier d’amitié avec un vouivre-bibliothèque au savoir encyclopédique (qui n’englobe que tout ce qui va des lettres A à L) ainsi qu’un djinn à la perception du temps globale, sans oublier d’accomplir une mission pour une Marquise retorse devenue reine de Féérie après avoir évincé la précédente souveraine… et, au cours de ses péripéties, effectivement construire un navire et naviguer autour de ce monde étrange non dénué de périls… De cette quête initiatique, Septembre sortira grandie, à défaut d’indemne.
Les premières lignes du roman ne trompent pas : il s’agit bien d’un conte, à destination d’un jeune public. Si l’ambition de la Marquise est d’aseptiser Féérie, La Fille qui navigua… n’a rien d’une lecture vaine. C’est là une aventure picaresque des plus charmantes, mais pas rose pour autant, où le merveilleux se teinte de dangers, peuplée d’un bestiaire empruntant tant aux mythes traditionnels qu’au monde moderne, et se déroulant dans un univers intelligemment bâti, riche en trouvailles. Inventif, original, très joliment écrit : le roman de Catherynne M. Valente évoque des œuvres fondatrices telles que le « cycle d’Oz » de L. Frank Baum ou « Narnia » de C.S. Lewis, avec un soupçon de Lewis Carroll, mais possède son propre ton.
En dépit d’une œuvre respectable (une quinzaine de romans, aussi bien pour la jeunesse que pour les plus grands, et plus de soixante-dix nouvelles) récompensée par plusieurs prix, Catherynne M. Valente est très peu traduite en France : le présent roman, et Immortel, paru dans la collection « Eclipse » de Panini Books avant que celle-ci se consacre quasi essentiellement aux zombies. La Fille qui navigua…, couronné par le Prix Andre Norton 2010 et le Locus du meilleur roman jeunesse 2012, compte ainsi quatre suites – la dernière en date venant juste de paraître outre-Atlantique au moment de la sortie du présent Bifrost. Qu’elles ne parviennent pas sous nos contrées serait vraiment regrettable…