Sorti outre-Atlantique en 1985, La Flûte ensorceleuse est le deuxième roman de Nancy Kress, après Le Prince de l’aube. Tous deux relèvent (plus ou moins) de la fantasy médiévale et mettent en scène un personnage central féminin, fait assez peu commun pour l’époque. Dans La Flûte ensorceleuse, Fia est montreuse d’histoires itinérante. Elle divertit les puissants en faisant apparaître des fables de la brume qui naît entre ses mains. Son talent, assez pauvre, lui permet cependant de gagner sa vie et d’élever son fils, Jorry. Le roman s’ouvre in medias res : Fia vient d’ingérer les drogues qui permettront à son don de s’exprimer avant de donner une représentation devant le roi de Veliano, royaume qui connaît une prospérité aussi soudaine qu’inattendue grâce aux gisements de pierres précieuses récemment découverts. Le spectacle prend un tour surprenant quand l’histoire qu’elle conte échappe à Fia, déclenchant l’hostilité de la cour, et qu’elle découvre la présence de Brant d’Erdulin, son amour de jeunesse. Ce dernier apprend bien vite qu’il est le père de Jorry et le fait enlever autant par représailles que par calcul. Bien meilleur qu’elle dans l’utilisation de son pouvoir, il n’est pas pour autant responsable du fiasco de la démonstration de Fia. À la cour du roi Rofdal, l’arrivée imminente d’un héritier exacerbe les tensions. Léonore, troisième épouse, compte bien enfanter un fils et raffermir son emprise sur son époux. Lors de la seconde représentation, Fia met en scène la quête d’une flûte magique, alors même que les envoûteurs sont punis de morts, leurs corps écorchés pendus par les pieds à la vue de tous. Piégée par son art qui lui échappe, manipulée par Léonore et perturbée par les sentiments qu’elle porte encore à Brant, Fia ne peut fuir et tente d’agir avec ses faibles moyens. Son salut dépend entièrement de l’utilisation de la magie, or elle manque cruellement de talent en la matière. À cette impression d’impuissance, renforcée par une narration à la première personne qui restreint le propos et occulte les motivations – pourtant très transparentes – des autres personnages, s’ajoute une ligne narrative essentiellement sentimentale. Si Nancy Kress se révèle pertinente sur le thème de la maternité et de l’amour filial, elle échoue à rendre crédible la relation entre Brant et Fia : cousue de fil blanc, oscillant entre romantisme immature et élans délétères, elle agace et finit par perdre le lecteur. Une lecture dispensable, donc, pour qui souhaite découvrir ou approfondir l’œuvre de Nancy Kress – des textes de l’auteure bien plus essentiels ont été traduits ces dernières années.