Une belle Iranienne demande à Tomás Noronha, cryptologue portugais et cador dans son domaine, de se rendre dans son pays pour y déchiffrer un manuscrit d’Einstein, du moins les quelques lignes codées qui accompagnent les pages en allemand remplies de formules. Avant le départ, il est approché par la CIA qui croit que ce manuscrit décrit le moyen de fabriquer une bombe atomique facile et pas chère, demandée par Ben Gourion à Einstein au printemps 1951, afin que le jeune état d’Israël puisse se défendre contre ses ennemis. Tomás doit vérifier cette assertion alors même qu’il ne connaît rien en physique, malgré un père enseignant les mathématiques à l’université, ami d’un physicien réputé ayant connu Einstein, et le communiquer à des agents sur place. Par ailleurs, il apprend à l’arrivée qu’il ne sortira pas d’Iran avant d’avoir résolu cette énigme considérée comme un secret d’état. Voilà qui augure d’un bon suspense, certes très formaté best-seller, comme on s’en rend vite compte devant la dramatisation excessive de la mise en place et les éléments didactiques à l’intention du lecteur de base, depuis la physique nucléaire jusqu’à la situation géopolitique en Iran. C’est pour très grand public : les explications seront donc diluées dans des conversations où le naïf s’étonne à chaque détail, l’auteur distillant les informations avec les codes narratifs du thriller. Pourquoi pas…?
Cependant, on déchante vite avec quelques jamesbonderies d’une confondante stupidité : dès le premier jour, après qu’on lui a brièvement montré le manuscrit et sous prétexte de visiter le souk, Tomás échappe à son guide de façon spectaculaire pour rencontrer son contact. Et que croyez-vous qu’il arriva ? On accepte son explication de préférence pour les balades solitaires, son maton est juste fâché d’avoir été ridiculisé et personne ne nourrit d’autres soupçons devant un tel agissement. Le héros comme les méchants sont très naïfs alors qu’on veut nous les faire croire très retors. Reste le fond de l’intrigue…
Il est vite évident que l’énigme sur le sens des formules du manuscrit (les Iraniens auraient dû se rendre compte aisément que celui-ci ne concerne pas une arme nucléaire) renvoie à des considérations d’une ampleur cosmique, qui amène à s’interroger sur la nature de l’univers, ses lois, son destin, et la place de l’homme. C’est à la question du principe anthropique que s’attaque donc dos Santos, traitant en parallèle des religions présentant des analogies avec les réponses de la physique. Einstein détiendrait le moyen de démontrer l’existence de Dieu, insérée dans un quatrain et deux lignes cryptés, qui donnent la juste perspective aux équations et au texte du manuscrit (dont on ne saura rien). L’explication finale, et même son exposé, entre philosophie et démonstration scientifique, ne manquent pas de séduire et paraîtraient assez remarquables sous la plume d’un auteur sachant écrire, à condition de supporter les interminables leçons distillées dans d’assommants bavardages.
L’auteur, par ailleurs présentateur vedette du « 20 heures », ancien reporter de guerre, a compilé un certain nombre d’ouvrages de vulgarisation qu’il régurgite autour d’une intrigue si hâtivement bricolée qu’il ne prend même pas la peine de la traiter convenablement. Mais on voit bien, dans quelques subtilités de hiérarchie des informations, que dos Santos a tout juste digéré sa documentation et que ses dialogues entre savant et naïf sont parfois amenés de façon inepte ou contradictoire (un agent de la CIA expliquant qu’il est question d’un secret nucléaire ne se lance pas dans un cours sur la composition de la matière ni sur la différence entre force forte et faible, un héros cryptologue, donc disciple de Turing, entre autre père de l’informatique, ne peut ignorer certains détails qu’il feint de découvrir avec étonnement, même à la troisième explication), avec des répliques qui constituent de véritables sottisiers. Le PPDA portugais est pourtant une célébrité littéraire : son personnage a déjà vécu cinq aventures et certains de ses ouvrages se vendent autant que ceux de Marc Lévy. Un de ses thrillers sera adapté par Hollywood… La quatrième de couverture annonce un roman dans la lignée d’Umberto Eco et Dan Brown. C’est exact. Pas entre, mais bien dans la lignée, tout à la droite de Brown.
Force est de reconnaître pourtant que le point est clairement fait sur l’univers et la nature de la matière, sans complication excessive, et sur les questions philosophiques afférentes, ce qui est en soi méritoire ; le grand public fuyant les ouvrages de vulgarisation trouvera son compte dans cette SF pour les nuls. Peut-être passera-t-il à Stephen Baxter ensuite. On peut rêver… Et d’ores et déjà présenter dos Santos comme l’auteur des prochains grands succès de librairie.