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Les critiques de Bifrost

La Geste du Sixième Royaume

La Geste du Sixième Royaume

Adrien TOMAS
MNÉMOS
512pp - 24,40 €

Bifrost n° 65

Critique parue en janvier 2012 dans Bifrost n° 65

Avec La Geste du Sixième Royaume, les éditions Mnémos (re)tentent leur chance avec un autre auteur français, un autre premier roman, signé cette fois Adrien Tomas, présenté d’entrée de jeu comme la « nouvelle révélation » du genre, rien que ça. Fatalement, ce type de déclarations, de bonne guerre et commune à tous les éditeurs, s’avère à double tranchant.

Ainsi, si vous êtes déjà fâchés depuis longtemps avec la fantasy épique, attention. En effet, avec La Geste du Sixième Royaume, nous sommes en plein dedans. Destinée, monde en danger, batailles, magie, nombreuses races, etc, etc... La grande majorité des figures imposées du genre répondent à l’appel. De quoi grincer des dents ? Pas forcément.

Dans ses meilleurs moments, le roman d’Adrien Tomas n’est pas loin par exemple d’évoquer David Eddings, dans certains dialogues notamment, amusants ou enlevés. Mais en creux, il faut bien admettre que l’on a parfois l’impression de tomber sur le récit d’une partie de jeu de rôle couchée sur papier. Et le problème, c’est que l’on sait qu’écouter (ou lire) quelqu’un vous raconter une partie dont vous ne connaissez rien n’est pas très agréable.

Une chose est sûre, l’auteur a pris la peine et le temps de bâtir un univers cohérent. Citons une vraie chronologie, le travail et le soin apporté au peuple des sylphides (on sent là sans doute l’influence de ses études d’écologie), les liens entre les différentes thématiques abordées… Adrien Tomas essaie aussi d’apporter sa propre patte en jouant sur les clichés du genre : le véritable passé des Elfes, le rôle des dragons, la nature du conflit entre le Père et l’Autre… Des petites touches qui apportent un plus, même si, là encore, fondamentalement, ce n’est pas la première fois que l’on assiste à des variations de ce type.

La contrepartie négative de la chose existe, malheureusement : de nombreuses plages explicatives, y compris par le biais des dialogues, qui pèsent sur le rythme du récit et lui donnent parfois des allures de guide, avec l’impression que l’on résume pour le lecteur, et non pour les personnages, les épisodes précédents.

L’histoire elle-même est bien menée, bien que globalement classique, donc. La trame de base du genre est respectée, malgré la présence d’une certaine distance (bienvenue). Si cela peut aider à vous faire une idée, nous avons cité un peu plus haut Eddings, mais nous nous garderions bien de mentionner un Terry Brooks, exemple type d’une fantasy sans saveur et sans audace. Un constat qui s’applique d’ailleurs aussi bien sur le fond que sur la forme.

Côté personnages, le casting hétéroclite et pléthorique du roman est par contre aussi généreux qu’inégal. Corius, par exemple, fait partie des protagonistes dont le destin ne touche guère le lecteur, à l’image de cette scène où il revient sur son passé, presque risible. Il a beau dans le cas présent être décrit comme amer ou à fleur de peau, cela ne passe pas (pour ne pas dire plus...), à l’image de la figure de Moineau, dont les premières apparitions évoquent là aussi des situations vues et revues, dans le genre gamin des rues abandonné à son destin. Encore que celui-ci connaisse un destin final qui, là, prend vraiment le lecteur à contre-pied. Au final, Llir s’impose logiquement comme le personnage majeur et constitue un solide point d’ancrage pour le lecteur.

Un mot encore sur l’objet livre : on peut féliciter Mnémos pour n’avoir pas cédé aux sirènes du découpage. On aurait tout à fait imaginé un tel roman coupé en deux. Par contre, il faudra donc composer avec une police un peu petite, sans oublier quelques effets de mise en page pas toujours heureux (du fait de changements de police, justement) et autres coquilles, cela dit peu nombreuses au regard de la taille du texte.

Généreux, pas bête, mais souffrant encore de défauts de jeunesse trop nombreux et trop marqués, le premier roman d’Adrien Tomas n’a donc rien d’une révélation, mais s’apparente plutôt à une découverte sympathique. Et contrairement à d’autres Mnémos récents, nous suivrons d’un œil curieux la suite du parcours de son auteur.

Emmanuel CHASTELLIÈRE

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