Un pays en temps de guerre. Une terre gâtée, rendue stérile par les combats incessants et quelques bombes atomiques. Le décor est vieux comme le monde, du moins depuis que les hommes se font la guerre. Il puise dans le décor de la Seconde Guerre mondiale, notamment à Stalingrad et d’autres villes de l’Est européen. Benedek Totth étant hongrois, la référence ne paraît pas incongrue, même si le paysage de La Guerre après la dernière guerre emprunte aussi ses traits aux multiples affrontements des conflits asymétriques, nés de tous les renoncements et manipulations de la géopolitique. Dans ce no man’s land cauchemardesque, un orphelin erre à la recherche de son petit frère. En cours de route, il rencontre un parachutiste américain égaré qu’il aide après avoir tenté de le tuer. Un noir des ghettos s’appelant James (Jimmy) Hendricks (authentique), bon joueur de guitare. Un good guy mais un vrai tueur, avec lequel il fait un bout de route, jusqu’aux portes des enfers, en Zone rouge, la terre des réprouvés et mutants irradiés.
Après Comme des rats morts, son portrait d’une jeunesse hongroise désœuvrée paru dans la collection « Roman noir » chez Actes Sud, Benedek Totth revient avec un récit sombre et violent. Une promenade primesautière sur les décombres d’une contrée ravagée par une guerre apparemment éternelle entre Américains et Russes. La quatrième de couverture de La Guerre après la dernière guerre évoque les mânes du récit postapocalyptique, courant de l’Imaginaire ayant connu ses beaux jours à l’époque de la Guerre froide et qui semble redevenir d’actualité avec la multiplication récente des tensions de par le monde. Elle dresse également un parallèle avec La Route de Cormac McCarthy. Soyons clair, le roman de Benedek Totth est surtout un récit de guerre vécu à hauteur de gosse, où le réalisme des combats et bombardements cède peu à peu la place à l’allégorie mythologique et à la dénonciation de l’obscénité de la guerre. De toutes les guerres. La quête de ce gosse, narrateur de sa propre histoire, s’apparente en effet à une longue litanie d’horreurs, entre snipers russes embusqués dans les égouts et mutants cannibales aux visages défigurés par les brûlures. Un monologue dont le propos perd progressivement toute réalité, pour se fondre dans un camaïeu de grisaille. Viols en pagaille, tueries, crasse, miasmes des cadavres, l’auteur hongrois ne nous épargne rien de la déchéance d’une humanité égale à elle-même dans sa faculté à faire le mal. Mais si la violence du propos interpelle, on ne peut s’empêcher d’en percevoir les limites et la vacuité intrinsèque. Avec La Guerre après la dernière guerre, Benedek Tohtt dit avoir voulu écrire une prophétie qui s’autodétruirait. Si l’intention est louable, permettons-nous de douter de son résultat, tant il ne fait ici qu’enfoncer les portes ouvertes.