Roman de fantasy en un seul tome (si si, promis), La Guerre des fleurs est sans doute le meilleur moyen de découvrir toute l'étendue du talent de Tad Williams. Tour à tour dramatique, drôle, désespéré, fantastique, épique et totalement crétin (avec un humour à l'anglaise écrit par un américain, ceci expliquant cela), La Guerre des fleurs condense quantité de livres en un seul, pas toujours avec succès, certes, mais avec suffisamment de bonheur pour emporter l'adhésion. Reconnaissons toutefois que si le roman est un one shot, il pèse tout de même ses 700 pages et il aurait mérité un bon coup de ciseau (un ban pour l'éditeur qui l'a publié en un seul volume, là où beaucoup l'auraient publié en deux). C'est dommage, car cette avalanche de scènes inutiles allonge l'intrigue au point d'ennuyer le lecteur au lieu d'apporter des éléments nouveaux. Défaut notable, donc, mais pas non plus rédhibitoire. Passons.
Ouverture en douceur avec une description exhaustive, touchante et navrante de la vie de Théo Vilmos, trentenaire déjà fatigué, chanteur dans un groupe de rock de jeunes (trop jeunes pour lui, d'ailleurs), sans grande ambition, sans épaisseur, bref un looser sympathique comme on les aime auquel il est évidemment impossible de ne pas s'attacher. Pas de chance, sa mère meurt d'un cancer (d'où de très chouettes scènes d'agonie qui calment quand même tout net), sa copine fait une fausse couche et en profite pour le quitter, autant de catastrophes qui s'abattent sur un pauvre Théo qui supporte comme il peut. Un Théo qui décide d'ailleurs de s'exiler à la campagne après avoir vendu la maison de sa mère, histoire de faire un point, de voir venir, quoi.
On bascule ensuite dans le grand n'importe quoi avec l'irruption d'une fée désagréable et grossière qui sauve Théo in extremis d'un machin putride et agressif manifestement composé de morceaux de cadavres. Et voilà l'anti-héros projeté dans le monde des feys (on dit feys, ne me demandez pas pourquoi) au beau milieu d'un affrontement immémorial entre les grandes familles (les oligarches, en quelque sorte) de feys aux noms de fleurs (cf. le titre, donc) qui aiment à se foutre sur la gueule et, au passage, massacrer de l'humain de ci de là. On s'en doute, Théo Vilmos va-découvrir-sa-destinée au cours des (nombreuses) péripéties qui l'attendent. Et si l'ensemble est parfois looooooooong, ça n'en reste pas moins jouissif par endroits, ce qui justifie amplement la lecture du pavé.
Au final, lire La Guerre des fleurs n'est ni un sacerdoce, ni un exploit. Tad Williams est tout simplement un écrivain professionnel incapable de faire court, mais il sait captiver ses lecteurs et les intéresser immédiatement en les embarquant dans un délire somme toute maîtrisé, sensible, souvent touchant et pas si bête. Pourquoi bouder son plaisir ?