Sur la planète Vlhan se déroule tous les ans un étrange rituel, le Ballet, mi-expérience esthétique, mi-suicide collectif. Toutes les puissances interstellaires ont des représentants sur place, dont le but est d’étudier les indigènes avec qui la communication est encore balbutiante. Mais quelque chose a changé dix ans plus tôt : une jeune femme a voulu participer au Ballet, persuadée d’avoir percé un de ses secrets, et quand les représentants de la Confédération homsap ont voulu l’en empêcher, les Vlhanis ont tué une trentaine d’entre eux pour intégrer la nouvelle venue dans leurs rangs. Celle-ci est morte à l’issue du rituel, mais elle a donné naissance à un culte, exclusivement homsap, et les pèlerins sont chaque année plus nombreux à débarquer sur Vlhan pour suivre son exemple.
C’est dans ce contexte tendu que débarque Andrea Cort, venue non pas pour assister au prochain Ballet, mais parce qu’un indice donné par ses maîtres, les IAs-sources, lui a permis d’établir un lien entre ce rituel et le massacre de Bocai qui l’a marquée à vie. Et voilà que le premier Vlhan qu’elle approche de près lui parle des Démons invisibles…
Ainsi débute le roman qui donne son titre à ce recueil. Il est précédé par une novella inédite, « Les Lames qui sculptent les marionnettes », qui plante le décor de Vlhan, et suivi par un texte plus court, « La Cachette », qui nous montre une Andrea Cort plus désespérée que jamais alors même que son avenir semblait s’éclaircir.
On ne surprendra personne en disant que ce livre est noir, très noir, peut-être encore plus que les précédents. En menant son enquête sur Vlhan – compliquée par l’obligation qui lui est faite de retrouver la fille d’un gros ponte qui a rejoint les pèlerins —, Andrea va aller de surprise en surprise et de révélation en révélation, se retrouvant finalement obligée de prendre une décision qui fera basculer sa vie. Emportée par le flot torrentiel des événements – occasion pour Adam-Troy Castro de nous offrir de véritables morceaux de bravoure dans le registre de l’action et du suspense –, elle se confrontera à des épreuves qui engagent son sort personnel, mais aussi celui de l’espèce humaine tout entière.
La Guerre des marionnettes boucle ainsi la trilogie entamée par Émissaires des morts et La Troisième griffe de Dieu (cf. Bifrost 102 et 104), mais on ne peut pas pour autant parler de « closure » : le livre s’achève par deux nouveaux tournants dans la vie d’Andrea Cort, que l’on peut espérer retrouver prochainement. Comme l’indique Gilles Dumay dans son avant-propos, Adam-Troy Castro « n’en a pas fini (…) avec son personnage préféré ». Et d’ailleurs, est parue ce printemps une novella inédite mettant en scène une Andrea âgée de dix-sept ans (« Burning the Ladder », in Analog, mai-juin 2022). Le lecteur anglophone sera bien inspiré de consulter la chronologie d’Andrea Cort, régulièrement mise à jour par Adam-Troy Castro, ce qui lui permettra au passage de repérer celles de ses autres œuvres situées dans le même univers et dont quelques personnages apparaissent dans ces pages (Paul Rokyo, Minnie et Earl).
Conclusion provisoire, donc, mais œuvre totalement maîtrisée, qui résonne de façon troublante avec les temps crépusculaires que nous vivons. Noir, on vous dit !