Comme dans le monde romain, les jeux, désormais strictement sportifs, concourent à l’équilibre de nos sociétés pacifiées. Sous toutes ses déclinaisons, footballistique, rugbystique, athlétique, vélocipédique et j’en passe, le sport alimente le quotidien en exploits qui servent d’exutoire aux passions, de tribune aux discours politiques et de tremplin commercial aux transnationales. Plus vite, plus haut, plus fort ! La formule du baron de Coubertin paraît être le leitmotiv de médias prompts à s’enflammer au moindre sautillement, au plus infime centième de seconde grappillé sur le record précédent. En 1980, dans le contexte tendu des J.O. de Moscou, Pierre Pelot met sur la sellette le sport-spectacle via l’angle de la prospective. Il en résulte une dystopie joliment troussée et toujours d’actualité.
Lorsqu’il écrit La Guerre olympique, la guerre froide connaît son ultime manifestation de tension, quelque part du côté de l’Afghanistan. Organisé pour la première fois sur le sol soviétique, l’événement donne surtout lieu à un boycott mené par les États-Unis. Que ce contexte soit désormais dépassé (mais pas tant que cela au final) n’a que peu d’importance au regard du jeu de massacre auquel se livre l’auteur français, jeu qui n’est pas sans rappeler Rollerball de Norman Jewison. Adaptant à sa manière la formule de von Clausewitz, Pierre Pelot martèle tout au long de son roman le message suivant : le sport n’est qu’un prolongement de la guerre par d’autres moyens.
Le futur esquissé par l’écrivain des Vosges naît en effet des œuvres perverses de la logique bloc contre bloc et de la surpopulation. Pour préserver le fragile équilibre démographique et idéologique, les puissances ont établi une sorte de décimation tous les deux ans. Les Jeux olympiques deviennent ainsi le paroxysme d’un affrontement régulé, permettant aux Rouges et aux Blancs de défendre l’honneur de leur Cause et de se débarrasser de leurs surplus démographiques : criminels, opposants politiques et assimilés, otages au cerveau piégé, voués à périr en cas de défaite aux Jeux. Les dieux du stade deviennent des machines à tuer condamnées à vaincre. Sélectionnés génétiquement et bourrés d’anabolisants, ils sont affûtés comme des armes, prêts à porter la mort dans le camp adverse de manière directe et indirecte. Pietro Coggio, l’espoir du camp des Blancs, Slim, la jeune journaliste en quête du scoop susceptible de doper sa carrière, les condamnés Yanni Bog du côté Blanc, et Mager Cszorblovski du côté Rouge, se retrouvent aux premières loges de ces Olympiades sanglantes. Tous ne sont que des rouages, des pions dans un système qui les déplace sur l’échiquier géopolitique afin de pérenniser l’équilibre de la terreur.
Œuvre politique par excellence, La Guerre olympique apparaît désormais décalé du fait de son contexte daté. On n’y parle pas encore de développement durable ou de guerre contre le terrorisme, mais de surpopulation et de Guerre froide. Pourtant, ceci ne doit pas éluder la lucidité des perspectives ouvertes par le roman. Le Marché et la société du spectacle laminent toujours l’intelligence et, plus que jamais, le dopage entache de doute les compétitions sportives. Quant aux manipulations génétiques et au clonage, il ne s’agit que d’une question de temps…