Kelly LINK
DENOËL
375pp - 24,00 €
Critique parue en juillet 2008 dans Bifrost n° 51
Recueil de nouvelles sans équivalent en langue anglaise et qui rassemble le meilleur de Kelly Link, La Jeune détective et autres histoires étranges donne dans le bizarro-merveillo-horrifico-rigolo. L'ensemble n'est sans doute pas une réussite totale, mais la cohérence des textes, l'intelligence narrative et la petite musique qui s'en détache en disent assez long sur la capacité de l'auteur à promener agréablement ses lecteurs via un style fluide et faussement simple.
Servies par l'excellente traduction de Michelle Charrier (une habitude), les nouvelles s'enchaînent sans fausse note, malgré quelques défauts notables. Exemple type avec « Le sac à main féerique » qui met en scène un village réfugié dans un sac à main, dont une vieille fée est chargée d'assurer la protection. Et quand la vieille fée meurt, c'est l'occasion d'entendre la voix de sa petite fille qui nous raconte cette singulière histoire… Histoire qui se termine trop abruptement (ayé, fini) pour transformer l'essai. Même son de cloche pour « Animaux de pierre », plongée quasi-lovecraftienne dans une maison hantée par des statues de lapins, nouvellement acquise par des urbains pas totalement au fait des us et coutumes campagnards. Belle ambiance, belle angoisse, belle montée vers la terreur et hop, patatras, tout ça débouche sur pas grand-chose. Bis repetita avec « Magie pour débutants » qui, sur la très enthousiasmante idée d'un show télé devenu réalité, termine sa course sans réelle conclusion. Mitigé, donc. Mais il faut reconnaître un très grand talent littéraire à Kelly Link, une façon intelligente et allusive de distiller ses histoires et, à défaut de les conclure, une forte propension à emballer ses scénarios comme des cadeaux à offrir aux lecteurs émerveillés. Témoin la première nouvelle, « Nymphéas, Lilas, Lilas, Iris », qui nous parle de vie après la mort sans avoir l'air d'y toucher, et qui, peu à peu, phrase après phrase, dresse le tableau aussi touchant que poétique d'une existence terne et tristement banale. Même chose pour « Le Chapeau du spécialiste », classique histoire de fantôme à la conclusion évidente, mais dont l'intérêt réside plus dans l'art de l'ellipse que dans l'originalité scénaristique. Bref, à suivre, sans aucun doute, ou tout simplement à piocher. Kelly Link possède et maîtrise un univers qui ne ressemble à aucun autre. De quoi espérer le meilleur pour ses productions futures et goûter ce recueil en attendant.