Akira YOSHIMURA
ACTES SUD
141pp - 6,60 €
Mieko a seize ans. Elle est vierge (mais gagne sa vie en faisant du strip-tease). Elle vient de mourir d'une pneumonie aiguë et voilà que ses parents la vendent à un hôpital, pour trois mille yens. Bien entendu, ils croient vendre un corps. Mais la narratrice ne se contente pas d'être un corps : elle voit, elle entend, elle sent et raconte tout cela. Mieko assiste à son autopsie, à de nombreux cours où des étudiants en médecine se penchent sur son cadavre, nomment et retirent ses organes, ses os. Puis elle assiste à sa crémation : « La couleur du feu était éclatante et belle. Les flammes, dont la couleur était simple au départ, se mirent à dessiner toutes sortes de motifs colorés dès qu'elles s'attaquèrent à mon corps. Etait-ce la graisse qui brûlait ? Des flammèches d'un jaune clair éblouissant s'élevaient et des crépitements se produisaient de temps à autre, tandis que de petits éclairs dorés s'éparpillaient alentour. De mes os s'élevaient dans un chuintement des flammèches fugitives d'un bleu presque transparent, tandis qu'autour de moi tourbillonnaient en scintillant de splendides flammes vertes, rouges, bleues ou jaunes, qui se mêlaient confusément. » (page 67) Au bout du compte, au bout du conte, Meiko finira dans une urne sur une étagère, écoutant le bruit des os qui s'effritent. Récit époustouflant aux marges de l'horreur et du fantastique dit moderne, étonnante plongée dans la culture japonaise, « La Jeune fille suppliciée sur une étagère » rappelle, par la simplicité de son écriture et l'étrangeté de son propos, un Kafka en grande forme. Quant à l'autre récit de ce petit livre (malheureusement hors de prix), « Le Sourire des pierres », il s'agit de la description pointilliste des liens qui unissent deux jeunes hommes, Eichi et Sone, ce dernier gagnant sa vie en volant les statuettes bouddhiques des cimetières. Eichi a une sœur stérile qui, au contact de Sone, ne tardera pas à changer. À cause du fascinant cimetière de Sado transformé en terrain de jeu, on pense à Stephen King ; quant au style, toujours aussi limpide, il rappelle celui d'un autre écrivain japonais : Haruki Murakami.
Au final, voici un très beau voyage aux frontières de la mort, qu'on déconseillera néanmoins aux amateurs exclusifs de grands coups de hache dans la tronche et de vaisseaux-générations à hyper propulsion polarisée…