Quelque part dans l’Univers, en un temps futur, s’étend un empire interstellaire — le Radch –, sous l’autorité absolue d’Anaander Mianaaï. L’autocrate parvient à commander aux milliers de mondes du Radch grâce à deux puissants outils de pouvoir.
Le premier prend la forme des Radchaaïs. C’est-à-dire l’aristocratie de l’empire réunissant les femmes et hommes considérés comme ses citoyennes à part entière… car dans le Radch, la norme sociale ignore l’identité sexuée et l’on y use grammaticalement du féminin générique. À la fois soldates et fonctionnaires, les Radchaaïs garantissent la domination de leur Seigneure par une obéissance inconditionnelle.
Cette stricte sujétion ne diffère pas de celle dont font preuve les IA, second instrument au service de l’empereur. Celle-ci dispose en effet d’intelligences artificielles aux capacités réflexives analogues à celle de l’humanité. Ces IA possèdent encore la capacité de se démultiplier, et ainsi peuvent-elles aussi bien prendre la forme mécanique d’une nef spatiale que celle biologique des « ancillaires ». C’est-à-dire les dépouilles des victimes des conquêtes du Radch artificiellement ramenées à la vie après qu’une IA en a pris le contrôle. Concomitamment présentes dans les circuits imprimés d’un vaisseau intersidéral et dans les corps de ce que l’on appelle encore des soldats-cadavres, les IA s’imposent comme l’arme absolue d’Anaander Mianaaï. Et sans doute est-ce là que La Justice de l’Ancillaire s’avère le plus réussi. En épousant au plus près le(s) point(s) de vue ubiquitaire(s) de l’IA dont il fait sa narratrice, le roman met en une belle forme littéraire une très stimulante spéculation phénoménologique.
Il s’avère en revanche bien moins singulier en retraçant la métamorphose de sa synthétique et polymorphe protagoniste en un être unique, doué de libre-arbitre. À la suite d’événements dont l’IA ne possède à l’orée du roman que d’imparfaits souvenirs, ne demeure de ses avatars (un vaisseau nommé Justice de Toren et sa troupe de soldats-cadavres) qu’une ancillaire nommée Breq. C’est sous ses traits que l’IA s’engage dans une aventure à la fois politico-policière et existentielle. Enquêtant sur les causes de l’annihilation de l’essentiel de ses incarnations, Breq découvre un complot dirigé contre l’Empereur. D’une confuse complication, la cabale ne passionne pas plus que l’évocation fort convenue de l’accession de Breq à une forme d’humanité. Et c’est donc une variation partiellement probante sur le motif de l’Intelligence Artificielle qu’offre in fine cette Justice de l’Ancillaire…