Tad WILLIAMS
MNÉMOS
21,00 €
Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104
Le jeune chat Piste-fouet fait l’apprentissage de la vie adulte et goûte un bonheur sans égal en compagnie de la jolie Patte-feutrée. Mais ce bonheur ne dure guère, sa compagne s’évaporant du jour au lendemain. Désireux de recouvrer sa belle, notre félin décide de mener l’enquête sur cette singulière disparition, pour vite s’apercevoir que d’autres membres du Peuple manquent à l’appel. Accompagné du très jeune et facétieux Bond-vif, notre héros parcourt de longues étendues, bien au-delà du territoire de son clan, et atteint la Cour de la Première-demeure. Là aussi, les bois de Feuille-de-rat se sont soudainement dépeuplés de leurs nombreux habitants. Consciente de la gravité de la situation, l’assemblée adjoint un prince au jeune et inexpérimenté duo, épaulé de quelques vieux briscards — guère plus hardis au demeurant —, direction les plateaux du Nord. Ces derniers ont récemment vu l’émergence suspecte d’un monceau de résidus aussi gros que la Première-demeure elle-même. Si Piste-fouet et Patte-feutrée ont déjà eu maille à partir avec leurs adversaires, les «? monstres aux griffes rouges », il semblerait que l’ennemi tapi en ce lieu soit d’une tout autre nature…
Premier roman du prolifique Tad Williams, auteur bien connu pour ses cycles « L’Arcane des épées » et « Autremonde », La Légende du noble chat Piste-fouet est une fantasy animalière, dont le genre felis silvestris occupe le centre du tableau. Quête initiatique du jeune héros, apprentissage par l’expérience, primat de la communauté et victoire contre les forces du Mal sont de rigueur et exposés avec une décontraction assumée. Si la première moitié du récit se montre un brin répétitive et monotone, la suite offre en revanche une ampleur tout autre, où le tragique le dispute à l’héroïsme. Le fantastique s’autorise même une incursion, magnifiant cette geste par ses atours existentiels, voire métaphysiques.
Les quelques chants et autres récits mythiques du Peuple ponctuant l’histoire ajoutent à l’édifice une pierre angulaire, densifiant cette matière avec un plaisir sans cesse renouvelé, laquelle prend sens en toute fin d’aventure, éternel retour oblige. Bien que la comparaison affichée en quatrième de couverture avec « Le Seigneur des anneaux » semble un brin prétentieuse, le récit n’en propose pas moins une lecture des plus séduisantes, confortée par un système linguistique, une profusion de personnages et une scénographie savamment orchestrée. Quand bien même on lui préfèrera Watership Down de Richard Adams ou Le Bois Duncton de William Horwood, dont la dimension épique reste inégalée. Avec cette réédition, La Légende du noble chat Piste-fouet s’offre une vie additionnelle, façon fort bienvenue de le disputer avec celles de nos chers félidés…