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Les critiques de Bifrost

La Ligne de sang

DOA
FLEUVE NOIR
17,00 €

Critique parue en avril 2005 dans Bifrost n° 38

En S-F, les nouvelles plumes sont plutôt rares. C'est donc tout à l'honneur du Fleuve Noir (et tout récemment de Robert Laffont — cf. critique de Forteresse dans le présent Bifrost) de promouvoir une littérature de l'imaginaire francophone, malheureusement moins vendeuse. Après le remarqué (mais encore bancal) Les Fous d'avril , DOA hausse le ton avec La Ligne de sang, un polar classique, mais suffisamment bizarre et torturé pour intéresser les adeptes d'une littérature qui se moque des frontières et des genres. DOA n'a certes pas encore produit son meilleur livre, mais un texte comme La Ligne de sang confirme un talent inquiétant et redonne de l'espoir en l'avenir.

Située dans un Lyon moite et désespérant, l'intrigue du roman se perd parfois dans la longueur, mais l'efficacité narrative de l'auteur rattrape systématiquement les quelques défauts oubliés çà et là, pour une lecture finalement compulsive et dont il est bien difficile de se débarrasser. Avec une lente mise en place de l'horreur et certains passages d'anthologie (la descente dans la cave, par exemple, un classique presque cliché, pourtant incroyablement maîtrisé), La Ligne de sang est une mécanique froide, horrifique, traversée parfois de dérapages surnaturels qui transcendent le roman policier stricto sensu et lui ouvrent des portes inédites : à partir d'un simple accident de la route, deux policiers (un homme et une femme) remontent une piste qui dégénère peu à peu vers le bizarre. Paul Grieux, le motard accidenté, vit une sorte de coma déroutant. Peuplé d'hallucinations et de rêves particulièrement réalistes, son sommeil se caractérise par de brutales crises de violence hystérique, de révélations plus ou moins délirantes et de phases atonales. Pendant ce temps, Madeleine, sa petite amie, a disparu. Pourquoi ? Comment ? Paul Grieux l'a-t-il assassinée ? C'est la problématique à laquelle se heurte la police. Mais l'horreur ne fait que commencer. Car Paul Grieux fait partie de ceux qui possèdent des secrets dérangeants. Vraiment dérangeants.

Parfaitement étanche au principe du genre, DOA se fraie un chemin sur un terrain pourtant miné. Bien campés, mais pas non plus exempts de traits caricaturaux, ses personnages sont suffisamment vivants et inquiets pour que l'ensemble fonctionne impeccablement. Malgré une distribution encore inégale dans l'action (deux premiers tiers trop lents et une fin bien trop rapide), La Ligne de sang se lit vite et bien. Une caractéristique notable, qui ne couronne pas un roman vain ou facile, mais bien une œuvre personnelle atypique et somme toute passionnante. Efficace est un adjectif qui prend tout son sens avec DOA. Un auteur évidemment à suivre, mais pas seulement : un auteur avec lequel il faut désormais compter.

Patrick IMBERT

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